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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/53

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b. perez. — la maladie du pessimisme

tions physiques qui influent sur les fonctions sensorielles[1] : illusions de la vue, de l’ouïe, la migraine, le scotome scintillant, l’hémiopie, etc. « En revanche, il ne paraît pas y avoir d’hallucination véritable chez les gens véritablement arthritiques, et, quand elles se produisent, on peut les rattacher à l’hérédité nerveuse à forme grave. » C’est que l’arthritique n’est pas encore névropathe, mais, comme l’a dit Charcot, il est à la veille de le devenir. On pourrait donc, en continuant le rapprochement, supposer que les pessimistes chez lesquels l’hallucination se montre, ont passé du premier au second degré de l’arthritisme, et sont déjà entrés dans la neurasthénie ou dans les diverses névroses qui en sont l’aboutissant.

Voici enfin un fait qui semblerait expliquer des manifestations analogues chez le pessimiste. « Les arthritiques ont besoin, pour échapper à des troubles qui, sans cela, seraient constants, d’avoir de temps en temps, soit une décharge hémorrhoïdaire ou menstruelle, soit un flux diarrhéique, soit un accès de polyurie ou de transpiration… Mais il est une de ces dérivations sur laquelle, croyons-nous, on n’a jamais insisté, c’est celle qui se produit par les organes génitaux. » II y a, chez certains arthritiques, des poussées congestives de ce genre, marquées « par une forte tendance hypocondriaque, mélange de rêverie et d’érotisme qui disparaît au bout de deux ou trois jours, en même temps que le besoin de rapports sexuels. » La vie de lord Byron, de Baudelaire, de Flaubert, contient des périodes de pareilles poussées génésiques, suivies de repos absolu, après une véritable saturation.

Les rapports de l’arthritisme avec le pessimisme ne sont ni plus ni moins évidents que ceux que M. Magalhães a établis entre cette maladie mentale et la neurasthénie affective. Les critiques formulées à l’encontre de la première thèse reviennent tout naturellement à propos de la seconde. On comprend peut-être mieux les rapports de la tristesse systématique, ou pessimisme, avec un état pathologique assez bien déterminé. Mais si l’unité pathologique est bien déduite, les conséquences psychologiques sont ou paraissent outrées. L’arthritisme embrasse et explique trop de choses. Il n’est pas aussi facile qu’on pourrait tout d’abord le croire, de passer de l’arthritisme décrit par le clinicien à son état mental, ou plutôt à l’ensemble de ses états mentaux interprétés par le psychologue. Il est évident que tout le pessimisme n’est pas dans l’arthritisme, que tout arthritique n’est pas pessimiste, et réciproquement.

  1. M. Magalhães a constaté des troubles de cette nature chez les sujets atteints de neurasthénie affective.