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III. Existence de la volonté au point de vue philosophique

Puisque la notion de force dérive de la conscience de notre action volontaire, le philosophe ne doit pas expliquer la volonté par des forces physiques. Doit il l’expliquer par des mouvements^ D’abord, la notion de mouvement implique celle de changement, empruntée elle-même à la conscience de nos changements propres. Or, nous l’avons vu, les changements dont nous avons conscience sont tantôt du mode passif, tantôt du mode actif ; dès lors, de quel droit nous dépouiller entièrement d’activité, pour faire présent de cette activité à des choses extérieures qui ne sont conçues actives que par emprunt à nous-mêmes ?

La vraie méthode philosophique commande de distinguer les phénomènes plus constants et plus radicaux d’avec les phénomènes moins constants et moins radicaux. Il y a en effet des degrés et une hiérarchie entre les phénomènes, quoiqu’ils soient tous inséparables. A ce point de vue, les phénomènes de mouvement ont toute l’importance qui leur est attribuée de nos jours, car ils se retrouvent partout et en tout ; aussi la science peut-elle en faire les substituts de tout le reste, par un procédé d’algèbre, et traduire tout en langage mécanique, en fonction du mouvement. L’homme ne pouvant saisir des choses extérieures que leurs rapports avec ses organes, rapports qui tous consistent à y produire des mouvements, il en résulte que le mécanisme est le point de vue nécessaire d’où le monde extérieur apparaît à notre pensée. Mais l’opposition absolue des mouvements aux états de conscience ou représentations est philosophiquement artificielle et fausse ; le mouvement, en effetj est lui-même un mode de représentation, qui suppose les deux formes générales de toute représentation qu’on nomme l’espace et le temps. Le mouvement, tel que nous le connaissons, est un fait d’expérience ; donc le mouvement que nous connaissons implique l’expérience même avec ses lois et ne peut être conçu que par emprunt aux sens de la vue et du tact, ainsi qu’aux lois intellectuelles de la logique et de la géométrie. Nous ne saisissons pas le mouvement en lui-même, dans un royaume étranger à l’expérience, à la sensibilité et à la conscience ; nous ne pouvons donc pas comparer le mouvement en soi avec les faits mentaux, pour dire qu’il y a à la fois différence absolue de nature, indépendance mutuelle et cependant parallélisme harmonique. Les mouvements dont parle la science sont les mouvements d’expérience,