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mais, quand le philosophe considère la réalité à laquelle les symboles physiques répondent, les phénomènes cérébraux apparaissent comme les résultats d’une action mutuelle entre la conscience de l’individu sentant et le système des réalités (ce) dont cette conscience est un des facteurs constituants. Or, ce système réel de facteurs ayant la vraie force et la vraie efficace, nous ne pouvons nous le figurer que comme un système de sensations, émotions et désirs, en un mot d’événements mentaux, ayant une analogie plus ou moins lointaine avec ce que nous appelons sentir et vouloir. Nous croyons donc qu’il y a unité entre la sensation et le réel du mouvement centripète, unité entre l’appétition et le réel du mouvement centrifuge. La sensation est la conscience du mouvement reçu, l’appétition est la conscience du mouvement imprimé. Changement physique et changement psychique sont au fond un seul et même changement senti dans le temps et représenté dans l’espace. A ce point de vue de la philosophie générale, la force des idées consiste, selon nous, en ce que le mental, au lieu d’être un simple reflet tardif et accessoire de l’évolution universelle, est un des facteurs primordiaux et constants de cette évolution ; c’est même le seul facteur ou ressort véritable, dont le mécanisme n’est que le symbole : le mécanisme exprime les rapports réciproques de réalités qui, en elles-mêmes, sont psychiques, c’est-à-dire douées de sensation et d’appétition rudimentaires.

Le principe qui, selon nous, tend à dominer la psychologie et la physiologie, et qui, de là, doit s’étendre sur la philosophie tout entière, c’est l’ubiquité du vouloir et du sentir, par conséquent de la conscience. Il y a partout, dans l’organisme vivant, discernement et préférence ; les mouvements vitaux ne sont que la manifestation externe de ce dedans psychique. Le prétendu inconscient recule de plus en plus pour faire place, soit à des affaiblissements, soit à des déplacements, soit à des dédoublements de la conscience, entendue comme le sentiment immédiat et plus ou moins intense qu’a l’être de sa manière d’être et de réagir, indépendamment de toute considération de moi et de non-moi. La psychologie finira par reconnaître, croyons-nous, la continuité et la transformation des modes de l’énergie psychique, comme la physique reconnaît la continuité et la transformation des modes de l’énergie physique. La philosophie générale, à son tour, verra dans l’énergie physique l’expression extérieure de l’énergie psychique, c’est-à-dire de la volonté, qui est omniprésente et constitutive de la réalité même.

Alfred Fouillée.