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M. Tito Vignoli, qui a étudié antérieurement la question des synesthésies, aurait pu faire ce rapprochement, qui s’impose en quelque sorte. Or les phénomènes de l’audition, de l’olfaction, etc., colorée, sont bien des phénomènes normaux, tout à fait physiologiques, selon moi, et dont l’explication n’a besoin d’aucune hypothèse métabiologique, d’aucune loi d’exception forgée tout exprès pour le plaisir des occultistes, des spirites et autres assembleurs de nuages.

On peut lire dans le mémoire de M. T. Vignoli des exemples personnels de paramnésie fort bien choisis et qui semblent frappés au coin de l’esprit critique. Il suffit ici d’indiquer que, loin d’invoquer des hypothèses transcendantes ou des forces cachées, l’auteur ramène l’explication de la paramnésie aux lois connues de tous les processus psychiques. Il assigne comme causes efficaces du phénomène, sous toutes ses formes : 1o le réveil d’images mentales, d’idées, de sentiments, par association ; 2o la rapidité des processus psychiques ; 3o la faculté ou puissance de construction de l’imagination (automatique et semi-volontaire). Frappé de la ressemblance de ce qu’il voit et entend avec ce qu’il a vu et entendu, et ne distinguant pas, comme d’habitude, l’idée évoquée de celle qui l’évêque, l’esprit se trouve dans une condition insolite, mais non anormale, et s’écarte du jugement ordinaire. L’image présente, transportée par une association inconsciente à une époque indéterminée et lointaine, apparaît comme la reproduction de perceptions passées. De là notre conviction d’avoir déjà vu ou déjà entendu ce que nous voyons et entendons.

Telles sont, selon M. Tito Vignoli, les conditions de la paramnésie visuelle et auditive.

Jules Soury.