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en mouvements exécutés. Mais encore faut-il que nous possédions ces images motrices. Ce qui revient à dire que, pour contracter l’habitude d’un mouvement complexe comme celui de la valse, il faut avoir déjà l’habitude d’exécuter les mouvements élémentaires en lesquels la valse se décompose. De fait, il est aisé de-voir que les mouvements auxquels nous procédons d’ordinaire pour marcher, pour nous soulever sur la pointe des pieds, pour pivoter sur nousmêmes, sont ceux que nous utilisons pour apprendre à valser. Mais nous ne les utilisons pas tels quels. Il faut les modifier plus ou moins, infléchir chacun d’eux dans la direction du mouvement général de la valse, surtout les combiner entre eux d’une manière nouvelle. II y a donc, d’un côté, la représentation schématique du mouvement total et nouveau, de l’autre les images kinestbésiques de mouvements anciens, identiques ou analogues aux mouvements élémentaires en lesquels le mouvement total a été analysé. L’apprentissage de la valse consistera à obtenir entre ces images kinesthésiques diverses, déjà anciennes, une nouvelle systématisation qui leur permette de s’insérer ensemble dans le schéma. Il s’agit, ici encore, de développer un schéma en images. Mais l’ancien groupement lutte contre le groupement nouveau. L’habitude de marcher, par exemple, interfère avec l’idée de danser. L’image kinesthésique totale de la marche nous empêche de constituer tout de suite, avec les images kinesthésiques élémentaires de la marche et d’autres’ éléments encore, l’image kinesthésique totale de la danse. Le schéma de la danse n’arrive pas tout de suite à se remplir des images appropriées. Ce retard causé par la nécessité où est le schéma d’amener graduellement des images multiples .élémentaires à un nouveau M~odtts vivendi entre elles, causé aussi, dans bien des cas, par la nécessité de retoucher le schéma lui-même pour le rendre traduisible en images, ce retard sui generis qui est fait de tâtonnements, d’essais plus ou moins fructueux, d’adaptations des images au schéma et du schéma aux images, d’interférences et de superpositions des images entre elles, ce retard ne constitue-t-il pas la différence essentielle entre l’apprentissage laborieux d’un exercice et cet exercice lui-même ?

Or, il est aisé de voir qu’il en est de même de tout effort pour apprendre et pour comprendre, c’est-à-dire, en somme, de tout effort intellectuel S’agit-il d’un effort de mémoire ? Nous avons montré que cet effort se produit toujours dans la transition du schéma à l’image. Mais il y a des cas où le développement du schéma, en image est immédiat, parce qu’une seule image se présente pour remplir cet office. Et il en est d’autres où des images multiples, analogues entre