Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 53.djvu/26

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Maintenant, ce va-et-vient entre le schéma et les images, ce jeu des images se composant ou luttant entre elles pour entrer dans le schéma, enfin ce mouvement sui generis de représentations que nous découvrons dans tout effort mental, fait-il partie intégrante du sentiment que nous avons de l’effort ? S’il est présent partout où nous avons le sentiment de l’effort intellectuel, s’il est absent là où ce sentiment fait défaut, peut-on admettre qu’il ne soit pour rien dans le sentiment lui-même ? Mais, d’autre part, comment un jeu de représentations, un mouvement d’idées, pourrait-il entrer dans la composition d’un sentiment, c’est-à-dire d’un état affectif ? La psychologie contemporaine incline à résoudre en sensations périphériques tout ce qu’il y a d’affectif dans l’affection’. Et, même si l’on ne va pas aussi loin, il semble bien que l’affection, en tant que telle, soit irréductible à la représentation. Entre la nuance affective qui colore tout effort intellectuel et le jeu tout particulier de représentations que l’analyse y découvre, quel est alors exactement le rapport ? Nous ne ferons aucune difficulté pour reconnaître que, dans l’attention, dans la réflexion, dans l’effort intellectuel en général, l’affection éprouvée peut se résoudre en sensations périphériques. Mais il ne suivrait pas de là que le « jeu de représentations D signalé par nous comme caractéristique de l’effort intellectuel ne se fît pas sentir lui-même dans cette affection. Il suffirait d’admettre que le jeu de sensations répond au jeu de représentations et lui fait écho, pour ainsi dire, dans un autre ton. Cela est d’autant plus aisé à comprendre qu’il ne s’agit pas ici, en réalité, d’une représentation, mais d’un mouvement de ~pt’eseMta~o~s, d’une lutte ou d’une interférence de représentations entre elles. On conçoit que ces oscillations mentales aient leurs harmoniques sensorielles. On conçoit que cette indécision de l’intelligence se continue en une inquiétude du corps. Les sensations caractéristiques de l’effort intellectuel exprimeraient cette suspension et cette inquiétude mêmes. D’une manière générale, ne pourrait-on pas dire que les sensations périphériques que l’analyse découvre dans une émotion sont toujours plus ou moins symboliques des représentations auxquelles cette émotion se rattache et dont elle dérive ? Nous avons une tendance à jouer extérieurement nos pensées, et la conscience que nous avons de ce jeu s’accomplissant fait retour, par une espèce de ricochet, à la pensée elle-même. De là l’émotion, qui a généralement pour centre une représentation, mais où sont surtout visibles les sensations en lesquellès cette représentation se prolonge. Sensations et représentation sont d’ailleurs ici en continuité si parfaite qu’on ne saurait dire où l’une finit, où les autres commencent. Et c’est pourquoi la