Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 53.djvu/28

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remarquer, d’autre part, que la richesse d’un état mental est en proportion de l’effort dont il témoigne. Ces deux vues sont aisément conciliables entre elles. Dans tout effort intellectuel il y a une multiplicité visible ou latente d’images qui se poussent et se pressent pour entrer dans un certain schéma. Mais le schéma étant relativement un et invariable, les images multiples qui aspirent à le remplir sont ou analogues entre elles, ou coordonnées les unes aux autres. Il n’y a donc effort mental que là où il y a des éléments intellectuels en voie d’organisation. En ce sens, tout effort mental est bien une tendance au mono’idéisme. Mais l’unité vers laquelle l’esprit marche alors n’est pas une unité abstraite, sèche et vide. C’est l’unité d’une « idée directrice » commune à un nombre aussi grand qu’on voudra d’éléments organisés. C’est l’unité même de la vie.

A vrai dire, c’est d’un malentendu sur la nature de cette unité que sont sorties les principales difficultés que la question de l’effort intellectuel soulève. Il n’est pas douteux que cet effort « concentre u l’esprit et le fasse porter sur une représentation « unique ». Mais de ce qu’une représentation est Mne, il ne suit pas que ce soit une représentation simple. Elle peut, au contraire, être extrêmement complexe, et nous avons montré que cette complexité existe toujours quand l’esprit fait effort, qu’elle est même caractéristique de l’effort intellectuel. C’est pourquoi nous avons cru pouvoir expliquer l’effort de l’intelligence sans sortir de l’intelligence même, par une certaine composition ou une certaine interférence des éléments intellectuels entre eux. Au contraire, si l’on confond ici unité et simplicité, si l’on s’imagine que l’effort intellectuel peut porter sur une représentation simple et la conserver simple, par où distinguera-t-on une représentation, quand elle est laborieuse, de cette même représentation quand elle est facile ? par où l’état de tension différera-t-il de l’état de relâchement intellectuel ? Il faudra chercher la différence en dehors de la représentation eUe-même. Il faudra la faire résider soit dans l’accompagnement affectif de la représentation, soit dans l’intervention d’une « force » extérieure à l’intelligence. Mais ni cet accompagnement affectif ni cet indéfinissable supplément de force n’expliqueront en quoi et pourquoi l’effort intellectuel est efficace. Quand viendra le moment de rendre compte de cet efncacité, il faudra bien écarter tout ce qui n’est pas représentation, se placer en face de la représentation elle-même, chercher une différence interne entre la représentation purement passive et la même représentation accompagnée d’effort. Et on s’apercevra nécessairement alors que cette représentation est un composé, et que les éléments de