Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 53.djvu/30

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les sinuosités d’une expérience nouvelle, il faut, en outre de l’image toute faite, un élément plus souple que l’image, toujours sur le point de se réaliser en image arrêtée et toujours distinct de cette image, laissant du jeu entre lui et elle. Le schéma n’est pas autre chose. L’existence de ce schéma est donc un fait, et c’est au contraire la réduction de toute représentation à des images solides, calquées sur le modèle des objets extérieurs, qui serait une hypothèse. Ajoutons que nulle part cette hypothèse ne manifeste aussi clairement son insuffisance que dans la question qui nous occupe. Si ces images constituent le tout de notre vie mentale, par où l’état de concentration de l’esprit pourra-t-il se différencier de l’état de dispersion intellectuelle ? Il faudra supposer que dans certains cas les images se succèdent sans intention commune, et que dans d’autres cas, par une inexplicable chance, toutes les images simultanées et successives se groupent de manière à donner une solution de plus en plus approchée d’un seul et même problème. Dira-t-on que, dans ce dernier cas, c’est la ressemblance des images qui fait qu’elles s’appellent les unes les autres, mécaniquement, selon la loi générale d’association ? Mais ce qu’il y a de remarquable dans le cas de l’effort intellectuel, c’est que précisément les images qui se succèdent peuvent n’avoir aucune similitude extérieure entre elles, et que leur ressemblance est une ressemblance intérieure, une ressemblance de signification, une égale capacité de résoudre, un certain problème vis-à-vis duquel elles occupent des positions analogues ou complémentaires, en dépit de leurs différences de forme concrète. II faut donc bien que l’esprit se représente d’abord le problème, et que ce problème lui apparaisse autrement que sous forme d’image. Image lui-même, il évoquerait des images qui lui ressemblent et qui se ressemblent entre elles. Mais puisque son rôle est au contraire d’appeler et de grouper des images selon leur puissance de résoudre un certain problème, il faut qu’il tienne compte de cette puissance des images, non de leur forme extérieure et apparente. C’est donc bien un mode de représentation distinct de, la représentation imagée, quoiqu’il ne puisse se définir que par rapport à elle.

En vain on nous objecterait la difficulté de concevoir le mode d’action du schéma sur les images. L’action de l’image sur l’image est-elle plus claire ? Quand on dit que les images s’attirent en raison de leur ressemblance, va-t-on au delà de la constatation pure et simple du fait ? Tout ce que nous demandons est qu’on ne néglige aucune partie de .l’expérience. A côté de l’influence de l’image sur l’image, il y a l’attraction ou l’impulsion exercée sur les images par