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eût été « contraire aux véritables intérêts de la science » d’interdire à MM. Pierre Janet, Boirac, Bergson et Delbœuf des recherches qu’ils ont commencées n’étant pas médecins. M. Schrenck-Notzing est d’ailleurs d’avis que les « suggestions criminelles n’offrent pas de danger pour les individus normaux doués de résistance morale » et M. Tulliot, se plaçant au point de vue strictement légal et sociologique, estime que « nos lois sont suffisamment armées » pour « laisser la plus grande latitude à tout expérimentateur, savant ou psychologue, ou même simple particulier ».

Au point de vue clinique, quels sont les rapports de l’hypnotisme avec l’hystérie ? M. Paul Magnin estime que la « diathèse hystérique est la plus importante de toutes les causes prédisposant au développement du sommeil hypnotique », que des « liens étroits unissent l’hystérie à l’hypnotisme ». M. Crocq considère « l’hypnose comme un phénomène physiologique et l’hystérie comme un état pathologique », de telle sorte « qu’on ne peut considérer la première comme étant une manifestation de la seconde ». Mais il existe entre l’hypnotisé et l’hystérique « un rapport d’analogie : les deux se caractérisent par l’hyper-suggestibilité ». On voit que la lutte continue entre les représentants de l’école de Nancy et de l’école de la Salpêtrière ; la discussion engagée entre MM. Tamburini, Magnin, Babinski, Félix Regnault, Bérillon, Crocq et Hickouet n’a donné aucune solution au problème. Cependant il semble que la suggestibilité ne constitue plus pour personne l’unique caractère de l’état hypnotique, que de plus en plus on soit généralement disposé à ajouter aux phénomènes psychologiques d’attention, d’inhibition, de suggestibilité, d’automatisme psychologique, nombre de phénomènes biologiques comme devant entrer nécessairement dans la constitution de l’état d’hypnose.

Au point de vue purement psychologique, l’hypnotisme nous est présenté par MM. Oskar Vogt, Paul Farez et Félix Regnault comme un moyen « d’augmenter la faculté d’introspection actuelle et rétrospective », par conséquent de découvrir les intermédiaires subconscients qui permettent l’association de deux opérations conscientes, de « maintenir la constellation psycho-physique du sujet », de produire expérimentalement des phénomènes difficilement engendrés par la volonté du sujet ; d’augmenter la netteté et la précision des faits psychiques, la puissance « d’aperception directe » du sujet ; de reproduction exacte, « stéréotypée », de l’acte mental ; de réaliser le plus sûrement possible l’analyse et la synthèse indispensables à l’œuvre scientifique. Il est cependant difficile de ne pas faire quelques réserves sur la valeur de l’hypnotisme comme moyen d’investigation psychologique : la « suggestibilité » des sujets hypnotisés les rend « malléables » à l’excès et trop directement soumis à des influences ignorées de l’observateur ou de l’expérimentateur même.

G.-L. Duprat.