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SAGERET. LA COMMODITÉ SCIENTIFIQUE 41

II

L’introduction de la commodité dans l’idée de science a une conséquence capitale, c’est de mettre à part les sciences mathématiques. On le reconnaîtrait en considérant la grande différence qu’il y a entre le progrès des mathématiques et celui des autres sciences par extension. Lorsqu’un tel progrès entraîne la chute d’une théorie en mathématique, celle-ci ne se manifeste que par la substitution pure et simple d’une affirmation à une négation ou inversement. Après avoir dit par exemple « toutes les fonctions continues ont une dérivée, » on dira « non, pas toutes », et cela exprimera toujours entièrement le changement survenu. Il n’en va pas de même dans les autres sciences où le plus souvent cette substitution ne serait que la constatation du changement et ne suffirait pas à le caractériser. Prenons pour exemple le passage de la théorie de Fresnel qui explique les phénomènes lumineux par des vibrations de l’éther à celle de Maxvell qui les assimile à des modifications electro magnétiques. La négation de la première théorie ne donnerait pas la formule de la seconde. Nous pourrons nous en tenir à ce bref aperçu, car l’étude du progrès par approximation nous permettra beaucoup mieux de montrer la place singulière qu’occupent les mathématiques dans le corps des sciences, ou plutôt à côté de lui.

Notons d’abord que les mathématiques sont précisément le langage commode employé par plusieurs sciences pour l’expression des rapports et systèmes de rapports. Employer un langage commode à la formation d’un langage commode, qu’est-ce que cela voudrait dire au juste ? ’ ?

On sait cependant que la notation mathématique est susceptible de plus ou moins de commodité. Mais, dans une étude comme celle-ci, le mot de langage n’a pas le sens de notation. On change de langage quand on dit « la terre tourne », après avoir dit « la terre demeure immobile », et non pas quand on traduit l’une de ces phrases en allemand, en arabe, par la parole, l’écriture, les hiéroglyphes ou la mimique. En mathématiques je puis dire « le carré d’une somme de deux grandeurs est égal au double produit de ces grandeurs ajouté à la somme de leurs carrés », puis « (a-)-6)"=a~-)-)-’2a& », je change de notation, je ne change pas de langage. Et il vaut mieux s’en tenir à ces exemples que de chercher une définition. Ici en effet, comme partout, la limite