Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 69.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LES CAUSES DE L’AVARICE

FACTEURS SOCIAUX, ETHNIQUES ET FAMILIAUX

Toute anomalie morale, toute tare sociale a ses préférences et se développe plus volontiers dans certains milieux et dans certaines conditions. L’avarice n’échappe pas à cette loi. Comme l’alcoolisme qui respecte le Midi et sévit surtout dans le Nord, comme le mysticisme pathologique qui est plus répandu dans la race celtique que dans toute autre race, comme les intoxications de luxe qui choisissent leurs victimes parmi les oisifs, les désabusés, les découragés, l’avarice a ses prédilections ; sa fréquence varie suivant les classes sociales, suivant les pays, et, pour un même pays et pour une même classe sociale, suivant les conditions familiales et individuelles.

Le plus simple pour se reconnaître dans ce problème d’étiologie, difficile et complexe, est de prendre la formule psychologique de l’avarice, telle qu’elle se dégage de l’étude clinique, et d’examiner quelle est, sur les éléments qui la constituent, l’influence des diverses conditions sociales, ethniques, familiales et individuelles qui s’offrent à notre observation[1].

Cette formule comprend :

1o Un élément positif qui est l’exagération de l’instinct d’épargne ;

2o Un ensemble d’éléments négatifs consistant en une atrophie de la vie affective et une réduction de l’activité psychique.

De là deux principes étiologiques fondamentaux :

1o Toute condition susceptible d’affaiblir l’instinct d’épargne est défavorable à l’avarice et, réciproquement, toute condition susceptible d’exalter l’instinct d’épargne est favorable à l’avarice.

2o Toute condition susceptible d’entretenir et de développer la vie affective et l’activité psychique est défavorable à l’avarice et,

  1. Voir Revue philosophique, janvier-février 1906.