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NOVICOW. BASES BIOLOGIQUES ET PSYCHOLOGIQUES DU DROIT 7 1 On pourra objecter qu’il n’est pas possible de résoudre une question si ardue et si vaste par un simple raisonnement. Certes, ce n’est pas à moi qu’il faut rappeler la complexité inouïe des phénomènes sociaux. Je la mets toujours en évidence et j’ai déjà eu l’occasion de le faire ici même. Mais il ne s’agit pas ici d’un raisonnement abstrait ou d’un simple syllogisme, il s’agit du principe fondamental du droit. La preuve que ma solution de la question féministe n’est nullement superficielle est donnée par l’observation des faits. Nous voyons que partout et toujours la civilisation d’un pays (toutes choses égales, bien entendu) est en raison directe de l’égalité des droits de la femme et de l’homme. Civilisation est un terme particulier pour dire possibilité de jouissance. Dans les pays barbares la vie est monotone et triste, dans les pays civilisés elle est animée et gaie. Or il est évident que si les droits de la femme ne sont pas égaux à ceux de l’homme, la jouissance de la moitié du genre humain est diminuée, donc la somme générale du bonheur est réduite. Mais la suppression du bonheur féminin amène immédiatement, par contre-coup, la limitation des droits (et donc des jouissances) du sexe masculin. Je veux en donner un exemple assez vulgaire, et par cela même très démonstratif. On raconte que Mahomet rencontra un jour dans la rue la femme d’un ami qui était très belle. Il la fit divorcer et l’épousa. Mais pour qu’un fait de ce genre ne se produisît pas plus tard à son propre détriment, il obligea désormais les femmes à se voiler dans les lieux publics. Cette règle, établie par Mahomet, est un échantillon très typique de l’irréflexion humaine. En effet, si les femmes avaient toujours marché voilées, Mahomet n’aurait pas pu voir le beau visage de celle qu’il ravit à son ami. Il n’aurait pas eu les jouissances que lui procura son amour. Mahomet ne songea pas non plus qu’à partir du moment où toutes les femmes seraient voilées aucun homme (sauf un seul, le mari) ne pourrait éprouver le plaisir de contempler leur beauté. De cette façon Mahomet, en limitant le droit des femmes, par l’obligation de marcher voilées dans les lieux publics, a limité aussi, en réalité, le droit des hommes. Il en est de même pour tous les autres actes de la vie féminine. Dans les pays où la femme n’a pas le droit de recevoir l’instruction supérieure, ce sont les hommes, en dernière analyse, qui pâtissent de l’ignorance de leurs compagnes. D’abord d’une