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LECLÈRE. LE MÉCANISME DE LA PSYCHOTHÉRAPIE 45

D’abord, s’il était vrai, comme tel le soutient, qu’il y ait dans la série psychique de l’activité créatrice, serait-il possible que tout se passe, dans la série physique parallèle, de façon à ce que ce principe se vérifie ? Réelle au même titre que l’autre série ou pur mirage, la série physique devrait, une fois ou l’autre, donner un démenti expérimental aux fidèles défenseurs du dit principe ! Et que d’autres difficultés ! Non seulement, dans l’hypothèse paralléliste, la plupart des faits de psychothérapie (voir plus loin) deviendraient inintelligibles et l’on devrait, pour les y plier, les dénaturer, mais encore il faudrait, pour maintenir l’hypothèse, recourir à la conception d’une sorte d’harmonie préétablie. Il ne répugne pas en soi de regarder comme indépendants l’un de l’autre, pris dans leur essence, l’audition d’un son et les vibrations de l’air, ni de faire correspondre à chaque vibration une sensation subconsciente,- bien que le choix du mouvement, qui n’est qu’une sensation, pour définir le monde objectif, soit plus qu’arbitraire ; - mais comment s’expliquer que la première de ces sensations subconscientes suive, par exemple, dans la série psychique, une idée philosophique ou un souvenir olfactif, si l’on ne fait intervenir ici efficacement l’activité cérébrale ? Comment s’expliquer qu’une sensation de douleur succède à la sensation tactile d’une piqûre d’aiguille, en n’invoquant comme cause de cette succession et du léger retard de la seconde sensation sur la première, que de prétendues lois purement psychologiques ? Comment ne pas voir dans la piqûre même, quoi que ce soit qu’elle puisse être in se, la cause de ces deux sensations ? Comment admettre que les concomitants physiologiques constants d’un raisonnement scientifique se produisent sous l’action exclusive des lois qui font suivre des faits physiologiques par d’autres faits physiologiques ? Comment prouver que juste au moment où apparaît en moi une pensée dont tout me prouve que c’est un hasard extérieur qui la suscite, le concomitant physiologique de cette pensée doit apparaître de son côté en mon cerveau pour des causes dont le secret est, exclusivement, dans la nature de mon organe cérébral ou cérébro-spinal ? Dira-t-on sérieusement qu’une pensée antérieure a dû amener cette pensée, et que le concomitant physiologique de celle-là a dû amener le concomitant physiologique de celle-ci ? Ce n’est pas seulement la psychologie qui devient obscure avec le parallélisme, c’est