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lité humaine ; la poursuite d’un perfectionnement individuel est indispensable pour arriver à l’union avec Dieu.

Dans chaque groupe, il convient de noter les dispositions pratiques des individus, comme les phénomènes morbides ou les troubles cérébraux qui se rencontrent chez un certain nombre d’entre eux. Fort souvent le sens pratique est très développé : saint Augustin, saint Bernard, saint Bonaventure, sainte Thérèse — pour nous borner à quelques noms — ont supérieurement rassemblé les moyens propres à amener la réalisation de leurs combinaisons pratiques ou le triomphe de leurs doctrines religieuses.

En ce qui concerne les phénomènes morbides et les troubles cérébraux, il faudra faire une distinction assez précise. D’un côté, certaines maladies résulteront de causes agissant sur tous les hommes et coexisteront avec la conception d’un idéal en Dieu et d’un idéal dans l’homme, sans qu’il soit possible d’établir entre les deux choses la relation de cause à effet. D’un autre côté, il se produira des maladies organiques ou cérébrales qui proviendront d’une trop grande tension de l’esprit, d’une activité cérébrale trop grande, du manque de nourriture et de sommeil. En ce cas encore, il ne faudra pas chercher, dans la maladie organique ou dans les troubles cérébraux, la cause de l’union avec Dieu préparée par l’amélioration intellectuelle, esthétique ou morale, à laquelle Dieu contribue, mais qu’il n’est pas seul à produire. Enfin il y a des pratiques — dont le nombre varie avec la puissance physique ou mentale de l’individu — qui produisent des troubles organiques et cérébraux, des hallucinations de toute espèce, qui suppriment la conscience et laissent libre cours à l’imagination et par suite font considérer, comme une union avec Dieu, ce qui n’est que la production d’un état psychologique dont la cause est, pour la plus grande part, exclusivement physiologique. Dans les pratiques de ce genre rentrent toutes les macérations et toutes les austérités, toutes les souffrances cherchées et produites, ou artificiellement cultivées, toutes les préparations belladonnées ou autres, tous les procédés qu’on range aujourd’hui dans l’hypnotisme et la suggestion ; bien d’autres encore qui produisent des troubles organiques ou cérébraux chez les individus d’une santé chancelante ou d’une mentalité sans équilibre. Mais c’est toujours par l’observation et non a priori qu’il faut déterminer les relations causales de ce genre.