Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/143

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garderait pour lui une moindre valeur et en donnerait une plus forte à son propriétaire ; mais cette déduction serait toujours telle, qu’elle lui laisserait la même somme de 720 l.

On voit aussi que, dans tous les cas, cette même somme de 720 l. doit se partager entre les salaires et les profits. Si la valeur du produit brut de la terre s’élève au delà de cette valeur, cet excédant appartient à la rente, quel qu’en soit le montant. S’il n’y a pas de surplus, il n’y aura pas de rente. Que les salaires ou les profits éprouvent une hausse ou une baisse, c’est toujours cette somme de 720 l. qu’il fournira aux deux. D’un côté, jamais les profits ne sauraient hausser au point d’absorber une si forte portion de ces 720 l. qu’il n’en restât plus assez pour fournir aux ouvriers de quoi se procurer l’absolu nécessaire, et, de l’autre côté, les salaires ne sauraient hausser au point de ne rien laisser sur cette somme pour les profits.

C’est ainsi que les profits de l’agriculture, comme ceux des manufactures, sont toujours diminués par la hausse des matières premières, lorsqu’elle est accompagnée de la hausse des salaires[1]. Si le fermier n’obtient pas une plus forte valeur pour le blé qui lui reste après le paiement de la rente, si le manufacturier n’en retire pas une plus forte de ses articles, et s’ils sont tous deux forcés de payer une plus forte somme en salaires, peut-il y avoir rien de plus clairement démontré que la baisse infaillible des profits par suite de la hausse des salaires ?

Et cependant le fermier, quoiqu’il ne paie à son propriétaire aucune part de la rente, — celle-ci étant toujours réglée par le prix des produits, et retombant invariablement sur le consommateur, — le fermier, dis-je, a toujours un grand intérêt à maintenir la rente, ou plutôt le prix naturel des produits, à un taux peu élevé. En sa qualité de consommateur des matières premières et des articles dans la composition desquels il entre de ces matières, il a, ainsi que tous les autres consommateurs, un intérêt commun à la modicité du prix. Mais le haut prix du blé, qui influe sur les salaires, le touche de plus près ; car, à chaque hausse, il aura à payer, sur cette somme

  1. Le lecteur doit s’apercevoir que nous faisons abstraction des variations accidentelles qui proviennent des bonnes ou mauvaises saisons, et de l’augmentation ou de la diminution de la demande par suite de quelque changement soudain dans l’état de la population. Nous voulons parler du prix naturel et constant du blé, et non de son prix accidentel et variable. (Note de l’auteur.)