Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/23

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l’empreinte de sa logique sévère, de sa justice parfois trop mathématique, de la fière indépendance de son caractère. Aussi glisserons-nous rapidement sur les épisodes de son histoire privée : l’époque de sa naissance, de son mariage, de sa réception à telle ou telle académie présente un médiocre intérêt, et il faut tout l’éclat de sa renommée et de son talent pour faire saillir ces vulgaires incidents. Mais comme il faut passer par l’homme pour arriver aux écrits, parlons de l’homme d’abord.

Le père de Ricardo, juif hollandais, était venu tenter fortune en Angleterre où sa capacité, son intégrité lui valurent l’estime générale. L’instinct financier qui distingua sa race en tous lieux, en tous temps, depuis les jours fameux du Veau d’or jusqu’à notre siècle de spéculation, cet instinct qui, il est parfaitement inutile de le dire sans doute, n’a exclu ni les grandes pensées ni les beaux dévouements, et nous a même dotés de la science du crédit, ne manqua pas à l’habile Hollandais. Il s’en servit très-fructueusement à la bourse de Londres, alors comme aujourd’hui la plus grande et la plus savante école d’application ouverte aux hommes d’affaires : et il était tout naturel qu’il songeât à lancer dans cette carrière productive le plus intelligent de ses fils, David Ricardo, lequel était venu tout doucement au monde dans la capitale de la Grande-Bretagne, en l’an de grâce 1772. Comme on le pense bien, l’éducation qu’il fit donner à ce fils ne péchait pas par un excès de connaissances littéraires et philosophiques. Homère et Descartes ne lui paraissaient pas être des guides infaillibles vers la fortune, et rompant en visière avec la poésie ou la métaphysique, il mit le jeune David pendant deux ans dans une école de Hollande, où les plus saines théories du change et l’art du parfait négociant lui furent enseignés.

Cette éducation fit merveille. Dès l’âge de quatorze ans David Ricardo prit part aux affaires de son père. Il acquit dans ce contact avec la réalité, dans cette lutte avec les hasards de la vie financière et industrielle, un jugement sûr et froid, une sagacité perçante, une aptitude singulière à extraire de détails infinis une solution nette et précise. Sans le savoir, il se préparait ainsi à gravir de déductions en déductions la route difficile qui aboutit à ces hauteurs théoriques où il devait retrouver les économistes et Ad. Smith.

Il était impossible d’ailleurs qu’un esprit de cette trempe ne fut pas singulièrement ému des événements qui agitaient l’Angleterre et qui avaient leur écho fidèle dans les oscillations des fonds publics, des changes, du papier, du numéraire.

Dans les temps ordinaires on conçoit fort bien que l’action de calculer des primes ou des reports, de négocier des rentes ou de solder des différences, n’entraîne pas nécessairement vers une investigation profonde des phénomènes économiques, et nos agents de change, financiers, spéculateurs, ne se recommandent guère, dans le fait, par des lumières très-vives sur ces problèmes majestueux et difficiles. La plupart sont des praticiens qui tien-