Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/283

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L’argument suivant, de M. Say, est fondé sur les mêmes considérations que celui de M. Buchanan. « La quantité de vin ou de blé que produit une terre, reste à peu près la même, quel que soit l’impôt dont la terre est grevée ; l’impôt lui enlèverait la moitié, les trois quarts même de son produit net, ou, si l’on veut, de sa rente, que la terre serait néanmoins exploitée pour en retirer la moitié ou le quart que l’impôt n’absorberait pas. Le taux de la rente, c’est-à-dire la part du propriétaire, baisserait ; voilà tout. On en sentira la raison, si l’on considère que, dans le cas supposé, la quantité de denrées produites par la terre, et envoyée au marché, reste néanmoins la même. D’un autre côté, les motifs qui établissent la demande de la denrée restent les mêmes aussi. Or, si la quantité des produits qui est offerte, si la quantité qui est demandée, doivent, malgré l’établissement ou l’extension de la contribution foncière, rester néanmoins les mêmes, les prix ne doivent pas varier non plus ; et si les prix ne varient pas, le consommateur des produits ne paie pas la plus petite portion de cet impôt.

« Dira-t-on que le fermier, celui qui fournit l’industrie et les capitaux, partage avec le propriétaire le fardeau de l’impôt ? On se trompera, car la circonstance de l’impôt n’a pas diminué le nombre des biens à louer, et n’a pas multiplié le nombre des fermiers. Dès qu’en ce genre aussi, les quantités offertes et demandées sont restées les mêmes, le taux des rentes a dû rester le même.

« L’exemple du manufacturier de sel, qui ne peut faire supporter à ses consommateurs qu’une partie de l’impôt, et celui du propriétaire foncier, qui ne peut s’en faire rembourser la plus petite partie, prouvent l’erreur de ceux qui soutiennent, en opposition avec les économistes, que tout impôt retombe définitivement sur les consommateurs. » Liv. III, chap. 8.

Si l’impôt enlevait la moitié, les trois quarts même du produit net de la terre sans que le prix des produits haussât, comment ces fermiers pourraient-ils retirer les profits ordinaires des capitaux qui ne paieraient que des rentes modiques, ayant à exploiter cette sorte de terres qui exige beaucoup plus de travail pour rendre un produit donné que des terres d’une meilleure qualité ? La rente serait même abandonnée en entier, que ces fermiers retireraient toujours de leur industrie des profits moindres que ceux des autres commerces, et ils ne continueraient par conséquent à cultiver leurs