Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/29

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à toutes les espérances, et ne s’arrête que dans l’abîme. C’est l’éternelle allure de l’esprit humain, suivie de son éternel châtiment ; et les capitalistes anglais qui tendent en ce moment les mains vers le gouvernement pour le prier de leur venir en aide et de les délivrer du mal, ne sont que les plagiaires de ceux qui demandèrent jadis à Pitt et obtinrent un prêt de 5,000,000 l. st. en bons de l’Échiquier. L’aveuglement des hommes est d’ailleurs quelque chose d’affligeant, et, bien qu’il date de loin, on a peine à s’y habituer. Ainsi, il se trouva des écrivains en grand nombre, et des plus habiles, — des plus pratiques, c’est tout dire, — pour prétendre qu’au moment où la valeur de l’or s’élevait à 97 l. 6 d. l’once en 1809, à 105 sh. en 1812 et 110 sh. en 1813, au lieu de 77 sh. 10 d. 1/2, taux de la Monnaie, le papier n’avait subi aucune dépréciation, et pour dénoncer les mauvais patriotes qui donneraient plus ou moins de 21 st. en billets pour une guinée : — ce qui équivalait à déclarer que le tout est plus petit que la partie, que le soleil tourne autour de la terre, et à punir ceux qui auraient l’impertinence d’en douter. La chambre des communes tout entière, même après les admirables efforts de MM. Horner, Huskisson, Canning, Thornton, même après l’invincible brochure de Ricardo, même après le lumineux rapport du comité de 1810, vota cette amère mystification, qui devait durer jusqu’en 1819.

Ricardo n’hésita pas à entrer résolument dans la voie que lui avaient tracée MM. Horner, Thornton et le fougueux Cobbett dans ces pages virulentes qu’il lançait du fond de Newgate, comme des éclairs sinistres à l’adresse des ministres[1]. Du premier effort il s’éleva à la hauteur de ces éminents publicistes. Il donna même à leurs idées une force nouvelle par la multitude de faits saisissants que lui livrait le Stock-Exchange ; et on peut juger de l’éclat de ce premier début, quand on voit M. Th. Tooke, le savant et judicieux auteur de l’Histoire des prix[2] confirmer, après une expérience de vingt-cinq ans, les conclusions de Ricardo. La dépréciation des billets parut à notre auteur un fait palpable, et un an après la publication de sa brochure sur le haut prix des lingots, la commission de 1810, après une enquête restée célèbre donnait à cet écrit une sanction respectée, et en reproduisait la substance dans une série de résolutions où nous puiserons celles-ci :

11. La dépression qu’ont subie dans leur valeur les billets de la Banque d’Angleterre et des banques de province a été occasionnée par de trop fortes émissions de papier faites par ces divers établissements. Et cette exagération de papier résulte de l’absence de tout contrôle, depuis la suspension des paiements en espèces.

12. Les changes extérieurs ont été depuis longtemps très-défavorables

  1. Paper against Gold or the History and Mistery of the bank of England.
  2. History of Prices in England. 1793-1836, 2 v.