Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/303

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seraient-ils la mesure commune de la valeur plutôt que le charbon ou le fer, que le drap, le savon, la chandelle, ou tout autre objet nécessaire à l’ouvrier ? Comment, en un mot, une denrée quelconque, ou toutes les denrées ensemble, pourraient-elles constituer une mesure commune, lorsque la mesure elle-même se trouve être sujette à éprouver des variations dans sa valeur ? Le blé, ainsi que l’or, peut, par la difficulté ou la facilité de sa production, varier de 10, 20 ou 30 pour 100, relativement aux autres choses ; pourquoi donc dire toujours que ce sont ces autres choses qui ont varié, et non le blé ? Il n’y a de denrée invariable que celle qui, dans tous les temps, exige pour sa production le même sacrifice de travail et de peines. Nous n’en connaissons point de semblables, mais nous pouvons en parler et en raisonner, par hypothèse, comme si elle existait ; et nous pouvons perfectionner la théorie de la science en faisant voir clairement que toutes les mesures adoptées jusqu’à présent pour apprécier la valeur sont absolument inapplicables[1].

    me font croire que, bien que la valeur d’aucune espèce de choses ne soit invariable, la valeur du blé est sur un grand nombre d’années communes la moins variable de toutes. — J.-B. Say.

  1. La valeur est une qualité inhérente à certaines choses ; mais, c’est une qualité qui, bien que très-réelle, est essentiellement variable, comme la chaleur. Il n’y a point de valeur absolue, de même qu’il n’y appoint de chaleur absolue ; mais on peut comparer la valeur d’une chose avec la valeur d’une autre, de même qu’on peut dire qu’une eau où l’on plonge, le thermomètre, et qui le fait monter à quarante degrés, a autant de chaleur apparente que tout autre liquide qui fait monter le thermomètre au même degré.

    Pourquoi la valeur est-elle perpétuellement variable ? La raison en est évidente : elle dépend du besoin qu’on a d’une chose qui varie selon les temps, selon les lieux, selon les facultés que les acheteurs possèdent ; elle dépend encore, de la quantité de cette chose qui peut être fournie, quantité qui dépend elle-même d’une foule de circonstances de la nature et des hommes.

    La valeur ne peut être mesurée que par la valeur. Si l’on entreprenait de mesurer la valeur des choses par une autre de leurs propriétés, ce serait comme si l’on voulait mesurer leur poids par leur forme ou par leur couleur ; mais toute valeur étant essentiellement variable, aucune n’a la qualité nécessaire d’une mesure : l’invariabilité. Aucune ne peut donc servir à donner une idée exacte d’une autre valeur qui est dans un autre temps ou dans un autre lieu. On ne peut pas dire qu’une chose qui a coûté deux guinées à Londres, vaut le double de celle qui a coûté une guinée à Paris, parce que la guinée, lorsqu’elle est à Paris, ne vaut pas ce qu’elle vaut à Londres. On ne peut même pas dire, qu’une chose qui valait à Londres, il y a dix ans, une guinée, a conservé sa même valeur, parce qu’elle s’y vend encore une guinée ; car il faudrait pour cela avoir la certitude que, dans