Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/336

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« Je réponds, dit-il, que cela pourrait arriver si l’effet de la prime était de faire monter le prix réel du blé, ou de mettre le fermier en état d’entretenir, avec la même quantité de blé, un plus grand nombre d’ouvriers de la même manière que sont communément entretenus les autres ouvriers du voisinage, largement, médiocrement ou petitement. »

Si l’ouvrier ne consommait que du blé, et s’il n’en recevait que ce qui suffirait strictement pour sa nourriture, il pourrait y avoir quelque raison de supposer que la part de l’ouvrier ne peut en aucun cas être réduite ; mais les salaires en argent ne montent quelque fois pas, et jamais ils ne montent proportionnellement aux prix en argent du blé, parce que le blé ne forme qu’une partie de la consommation de l’ouvrier, — quoique ce soit la partie la plus importante. Si l’ouvrier dépense la moitié de son salaire en blé, et l’autre moitié en savon, en chandelle, en bois à brûler, en thé, en sucre, en habillement, etc., tous objets que l’on suppose ne pas avoir éprouvé de hausse, il est clair qu’il serait aussi bien payé avec un boisseau et demi de blé, lorsqu’il vaut 16 sch. le boisseau, qu’avec deux boisseaux, dont chacun ne vaudrait que 8 sch., ou avec 24 sch. en argent, qui équivaudraient à 16 sch., qu’il recevait auparavant. Son salaire ne monterait que de 50 pour cent, tandis que le blé hausserait de 100 pour cent, et par conséquent il y aurait un motif suffisant pour consacrer plus de capitaux à l’agriculture, si les profits des autres commerces continuaient à être les mêmes qu’auparavant.

Mais une telle hausse des salaires engagerait en même temps les manufacturiers à retirer leurs capitaux des manufactures, pour les consacrer à l’agriculture ; car tandis que le fermier augmenterait le prix de ses denrées de 100 pour cent, les salaires de ses ouvriers n’ayant haussé que de 50 pour 100, le manufacturier se verrait aussi dans la nécessité de payer 50 pour cent de plus à ses ouvriers, n’ayant en même temps aucune compensation, pour ce surcroît de dépense, dans le renchérissement de ses produits. Les capitaux se porteraient donc, des manufactures vers l’agriculture, jusqu’à ce que l’approvisionnement du blé fît de nouveau descendre les prix à 8 sch. Le boisseau, et fît baisser les salaires à 16 sch. par semaine. Alors le manufacturier obtiendrait les mêmes profits que le fermier, et les capitaux, dans chaque emploi, se trouveraient balancés. Voilà, dans le fait, la manière dont la culture du blé acquiert toujours plus d’étendue, et fournit aux besoins croissants du marché. Les fonds