Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/341

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dans le marché intérieur, ou d’une prime accordée à l’exportation, on met nos fabricants de toiles ou de lainages à même de vendre leurs marchandises à un prix un peu meilleur que celui auquel ils les auraient données sans cela, on élève non-seulement le prix nominal, mais le prix réel de leurs marchandises ; on les rend équivalentes à plus de travail et à plus de subsistances ; on augmente non-seulement le profit nominal de ces fabricants, mais leur profit réel, leur richesse et leur revenu réels… On encourage réellement ces manufactures… Mais quand, à l’aide de mesures semblables, vous faites hausser le prix nominal du blé et son prix en argent, vous n’élevez pas sa valeur réelle, le revenu réel de nos fermiers ni de nos propriétaires ruraux ; vous n’encouragez pas la production du blé…. La nature des choses a imprimé au blé une valeur réelle, qui ne saurait changer par l’effet d’une simple variation de son prix en argent…. Dans le monde entier, cette valeur sera égale à la quantité de bras qu’elle peut faire subsister. »

J’ai déjà tâché de faire voir que le prix courant du blé doit, en raison de l’augmentation de la demande par l’effet d’une prime d’exportation, excéder son prix naturel jusqu’à ce que l’on obtienne le surcroît d’approvisionnement ; et, dans ce cas, il doit revenir à son prix naturel. Mais le prix naturel du blé n’est pas aussi stable que celui des autres marchandises, parce que, dès que la demande de blé augmente considérablement, il faut livrer à la culture des terres d’une qualité inférieure, qui, pour produire une quantité déterminée de blé, exigeront plus de travail, ce qui fera hausser le prix du blé. L’effet d’une prime permanente sur l’exportation du blé serait donc de le faire tendre constamment à la hausse ; ce qui, comme je l’ai fait voir ailleurs, ne manque jamais de faire hausser la rente[1]. Les propriétaires ruraux ont donc un intérêt non-seulement temporaire, mais permanent, aux prohibitions d’importation du blé, et aux primes accordées à son exportation ; mais les manufacturiers n’ont point d’intérêt permanent aux primes d’exportation de leurs produits manufacturés : leur intérêt, à cet égard, n’est que temporaire.

Des primes accordées à l’exportation des objets manufacturés ne peuvent manquer, ainsi que le docteur Smith le dit, de faire hausser le prix courant des objets manufacturés ; mais elles ne feront pas monter le prix naturel de ces objets. Le travail de deux cents hom-

  1. Voyez le chapitre de la Rente