Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/357

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naire de travail ; mais dans un pays enfoncé dans les terres, peu habité, et qui n’a ni bonne route ni navigation, cette quantité de minéral ne pourrait être vendue. » Toute la théorie de la rente se trouve, dans ce passage, expliquée admirablement et avec toute la clarté possible ; mais il n’y en a pas un mot qui ne soit également applicable à la terre aussi bien qu’aux mines, et cependant Adam Smith prétend que, « il en est autrement des biens qui existent à la surface de la terre. La valeur, tant de leur produit que de leur rente, est en proportion de leur fertilité absolue, et non de leur fertilité relative[1]. »

Mais supposons qu’il n’y ait point de terres qui ne rapportent une rente ; dans ce cas, le montant de la rente des terrains les plus ingrats devrait être en proportion de l’excédant de la valeur du produit par-delà le capital dépensé et les profits ordinaires. Le même principe réglerait la rente des terres d’une qualité supérieure ou plus heureusement situées, et par conséquent ces terres paieraient un loyer un peu plus fort que les précédentes, en raison des avantages supérieurs qu’elles possèdent. On peut en dire autant des terres d’une qualité encore supérieure et ainsi de suite jusqu’aux plus fertiles. N’est-il donc pas évident que c’est d’après la fertilité relative des terres qu’on détermine quelle sera la portion du produit qui sera payée comme rente, comme c’est la richesse relative des mines qui détermine cette portion de leur produit qui doit en constituer le loyer[2] ?

Adam Smith ayant admis qu’il y a quelques mines que les propriétaires seuls peuvent exploiter, en raison de ce que leur produit n’est que suffisant pour défrayer les dépenses de l’exploitation et rapporter les profits ordinaires du capital employé, on se serait attendu à le voir

  1. Le motif qu’en donne Smith n’a rien qui répugne à ma raison. Partout où il peut croître des denrées alimentaires, il peut naître des hommes pour les consommer. La demande, à coup sûr, va chercher les produits de ce genre, tandis qu’elle ne va pas chercher des houilles ou des bois de construction, lorsque la dépense qu’il faudrait faire pour les conduire au lieu de la consommation en excéderait la valeur. Les démonstrations de Malthus, qui prouvent que la population tend toujours à surpasser les moyens de subsistances, confirment, ce me semble, la manière de voir de Smith. — J.-B. Say.
  2. Qui songe à nier cela, puisque le fermage est le prix annuel du pouvoir productif de la nature, toutes les fois que ce pouvoir est devenu une propriété ? S’il arrive même, dans certains cas, que ce pouvoir ne soit pas payé, cela empêche-t-il qu’il le soit dans d’autres cas ? Cela prouve-t-il que les produits du sol ne seraient pas moins chers si ce pouvoir productif n’était payé dans aucun cas ? — J.-B. Say.