Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/359

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le bas prix du charbon, de quelque source qu’elle provienne, en faisant abandonner l’exploitation des mines qui ne paient pas de loyer ou qui n’en paient qu’un très-modique, aurait des effets analogues sur la culture des terres ; car cette grande abondance et ce bas prix conduiraient à délaisser des produits de la terre, rendraient nécessaire d’abandonner la culture des terrains qui ne paient pas de rente, ou n’en paient qu’une très-modique. Si, par exemple, les pommes de terre devenaient la nourriture ordinaire et générale de notre nation, comme le riz l’est chez quelques peuples, un quart ou une moitié des terres actuellement en culture serait vraisemblablement abandonné à l’instant ; car si, comme Adam Smith l’assure, « un acre de terre en pommes de terre produit six mille livres pesant de nourriture substantielle, ce qui est trois fois autant qu’en donnerait un acre de terre en blé, » la population ne pourrait pas se développer longtemps sur une échelle assez vaste pour suffire à consommer la quantité de nourriture récoltée sur les terres où l’on cultivait auparavant du blé. Il y aurait beaucoup de terrains abandonnés, et les rentes tomberaient ; et ce ne serait que lorsque la population aurait doublé ou triplé, qu’on pourrait cultiver de nouveau autant de terres, et payer de ces terres un aussi fort loyer que par le passé.

Il ne serait pas payé non plus une plus forte part du produit brut au propriétaire foncier, que ce produit consistât en pommes de terre suffisantes pour nourrir trois cents individus, ou, en blé, qui ne pourrait en nourrir que cent ; car, quoique les frais de production se trouvassent bien diminués, dans le cas où les salaires de l’ouvrier seraient réglés principalement par le prix des pommes de terre et non par celui du blé, et quoique, par conséquent, la somme totale du produit brut, — les travailleurs payés, — se trouvât considérablement augmentée, cependant aucune partie de ce surplus n’irait grossir la rente ; il irait constamment grossir les profits, lesquels montent toujours quand les salaires baissent, et tombent lorsque les salaires haussent. La rente suivra la même marche, que l’on cultive du blé ou des pommes de terre ; elle sera toujours égale à la différence entre les quantités de produits obtenues par l’emploi de capitaux pareils sur des terres de la même ou de différente qualité ; et par conséquent, tant que des terres d’une même qualité seront cultivées et qu’il n’y aura aucune variation dans leur fertilité et dans leurs avantages respectifs, le loyer sera toujours dans le même rapport avec le produit brut.

Adam Smith prétend cependant que la part du propriétaire se trou-