Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/362

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chandises, ou, ce qui revient au même, une plus forte valeur en marchandise, en échange du blé qu’il consomme lui-même ; mais il sera encore obligé de donner plus de marchandises ou plus de valeur pour payer le salaire de ses ouvriers, sans en recevoir de dédommagement. Toutes les classes de la société souffriront donc par le renchérissement du blé, excepté la classe des propriétaires. Les transactions entre le propriétaire foncier et le public ne ressemblent pas aux transactions mercantiles, dans lesquelles on peut dire que le vendeur gagne aussi bien que l’acheteur ; car, dans les premières, toute la perte est d’un côté, et le gain de l’autre ; et si, par l’importation, l’on pouvait se procurer du blé à meilleur marché, on verrait combien la perte qui résulte de la non-importation est plus forte pour les uns que le gain ne l’est pour les autres.

Adam Smith ne fait jamais de distinction entre la valeur diminuée de l’argent et la valeur augmentée du blé, et voilà pourquoi il pense que l’intérêt des propriétaires fonciers n’est point eu opposition avec celui du reste de fa société. Dans le premier cas, c’est l’argent qui a baissé relativement à tous les autres produits : dans le second cas, c’est le blé. Dans le premier cas, le blé et les marchandises continuent d’avoir la même valeur relative ; dans le second cas, le blé est, comme l’argent, plus élevé relativement aux marchandises.

L’observation suivante d’Adam Smith est applicable au bas prix de l’argent ; mais elle ne l’est nullement à la valeur augmentée du blé.

« Si l’importation (du blé) était libre en tout temps, nos fermiers et nos propriétaires ruraux retireraient vraisemblablement moins d’argent de leur blé, une année dans l’autre, qu’ils ne font à présent, que l’importation est, par le fait, prohibée la plupart du temps[1] ; mais l’argent qu’ils en retireraient aurait plus de valeur, achèterait plus de marchandises de toute autre espèce, et emploierait plus de bras. Par conséquent leur richesse réelle, leur revenu réel seraient les mêmes qu’à présent, quoique exprimés par une moindre quantité d’argent, et dès lors ils ne se trouveraient ni moins en état de cultiver, ni moins encouragés à le faire qu’ils ne le sont a présent. Au contraire, comme une hausse dans la valeur de l’argent, procédant d’une baisse dans le prix en argent du blé, fait baisser de quelque chose le prix de toutes les autres marchandises, elle

  1. Nous avons fait voir dans une note précédente les transformations radicales subies, depuis l’époque de Smith, par la législation des céréales en Angleterre. A. F.