Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/391

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compagnie de marchands ou de banquiers, qui fit cette émission. Il serait cependant plus à craindre que le gouvernement n’abusât de cette faculté qu’une compagnie de banquiers. Une compagnie est, dit-on, plus dépendante des lois ; et quoiqu’il pût être de son intérêt de multiplier ses billets au-delà des bornes prescrites par la prudence, elle serait forcée de s’y renfermer, et de restreindre l’émission de son papier, par la faculté qu’auraient les particuliers d’exiger des lingots ou des espèces en échange des billets de banque. On prétend que, si le gouvernement avait le privilège démettre du papier, il ne respecterait pas longtemps cette disposition qui le gênerait ; on croit qu’il serait trop porté à sacrifier la tranquillité de l’avenir à l’intérêt du moment, et qu’il pourrait par conséquent, en alléguant des motifs d’urgence, se débarrasser de toute entrave qui bornerait le montant de ses émissions de papier.

« Cette objection est d’un grand poids quant à un gouvernement absolu ; mais dans un pays libre, avec une législature éclairée, la faculté d’émettre du papier avec la clause indispensable qu’il soit échangeable au gré du porteur, pourrait être en toute sûreté confiée à des commissaires nommés spécialement pour cet objet, et on pourrait les rendre entièrement indépendants de l’influence des ministres.

« Le fonds d’amortissement est administré par des commissaires qui ne sont responsables de leur gestion qu’au parlement, et le placement des sommes qui leur sont confiées se fait avec la plus grande régularité ; quelle raison peut-il donc y avoir de douter que l’émission du papier ne pût être réglée avec la même exactitude, si on la confiait à une administration du même genre[1] ? »

  1. Si cette proposition faite au gouvernement anglais de se mettre à la place de la banque de Londres et de celle des provinces, et de fournir, au lieu d’elles, le papier qui sert d’agent de la circulation, était adoptée, l’Angleterre acquitterait d’un coup pour un milliard et demi de francs de sa dette, et se libérerait d’un intérêt annuel de soixante-quinze millions de francs environ. Mais qu’est-ce que soixante-quinze millions d’intérêt lorsqu’on est obligé d’en payer annuellement pour environ un milliard (compris l’intérêt des bons du trésor) ?

    D’ailleurs, tant que les dépenses du gouvernement ne seront contrôlées, comme à présent, que par une chambre de la majorité de laquelle les ministres disposent, on peut s’attendre qu’aucune économie ne tournera au profit de l’État. Soixante-quinze millions épargnés sur l’intérêt de la dette ne sont, pour le gouvernement, qu’un moyen de dépenser soixante-quinze millions de plus en intrigues dans les cabinets de l’Europe, en folles guerres décorées de beaux motifs, en grâces et en moyens d’influence pour maintenir la prépondérance de l’intérêt privilégié aux dépens du public. Il n’y a d’économie profitable pour les nations que lorsqu’une