Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/415

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vendeurs, et dont la quantité peut s’augmenter dans des bornes modérées, leur prix dépend en définitive, non de l’état de la demande et de l’approvisionnement, mais bien dé l’augmentation ou de la diminution des frais de production[1].

  1. Lorsque divers auteurs qui suivent les mêmes méthodes d’investigation, et qui ont fait preuve de jugement en plusieurs occasions, diffèrent complètement d’avis sur un principe, leur dissentiment ne peut venir que faute de s’entendre. Essayons si l’on peut, dans ce cas-ci, de présenter la question sous un jour nouveau qui rallie toutes les opinions.

    La plupart des Économistes politiques établissent que la valeur ou le prix d’une chose s’élève du s’abaisse en raison directe de la demande qui en est faite, et en raison inverse de l’offre. M. Ricardo affirme que l’offre et la demande n’y font rien ; que le prix baisse par la concurrence des producteurs jusqu’au niveau des frais de production, et s’arrête là.

    Mais que fait-on, dans la réalité, lorsqu’on demande à échanger une marchandise contre une autre ; lorsque, par exemple, un homme offre en vente dix-huit livres de froment qui valent 3 francs, pour acheter avec cet argent une livre de café, qui vaut également 3 francs ? Il offre les services productifs* (ou leur prix, c’est-à-dire les frais de production) qui ont servi à payer les services productifs dont la livre de café est le résultat.

    Les services productifs de la livre de café, ou leur prix et la livre de café, ne sont pas les deux membres de l’équation : ce sont une seule et même chose. Et quand M. Ricardo dit qu’un produit vaut toujours ce que valent ses frais de production, il dit vrai ; mais la question reste a résoudre : Qu’est-ce que valent ces frais de production ? quel prix met-on aux services capables de produire un produit appelé une livre de café ?

    Je réponds qu’on y met d’autant plus de prix, et qu’on est disposé à les payer d’une quantité d’autant plus grande de tout autre service productif, que les services propres à produire du café sont plus rares et plus demandés, et c’est dans ce sens qu’il faut entendre la demande et l’offre, le besoin et l’approvisionnement, le principe si connu des Anglais sous les noms de want and supply.

    La quantité de travail, de capitaux et de terrain nécessaires pour accomplir un produit, constitue la difficulté de sa production, sa rareté. Un produit qui ne peut être le fruit que de beaucoup de services productifs est plus rare que celui qui peut être le fruit de peu de services ; en d’autres termes, un produit est d’autant plus abondant, que la même quantité de services productifs en fournit davantage. De là une plus grande quantité offerte, un prix plus bas. Lorsque, au contraire, la quantité de services nécessaires augmente, le prix s’élève. Au lieu de demander pour une livre de café dix-huit livres de blé (ou les services productifs qui ont servi à faire dix-huit livres de blé), on demandera peut-être vingt livres, vingt-cinq livres, trente livres, jusqu’à ce qu’il ne se trouve plus un seul acheteur dis-

*. Par services productifs j’entends l’action, le concours des travaux, des capitaux, des terres, dont il résulte un produit. Ceux qui fournissent leur travail, qui prêtent leur capital ou leur terrain, reçoivent le prix de ce concours, et ce prix compose les frais de production.