Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/613

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notre propre récolte était insuffisante, où l’importation a été déterminée par l’état des prix, et où nous n’axons ressenti aucun des effets de l’encombrement ; — quelle n’eut pas été la grandeur du désastre, si le taux du blé était descendu à une 1/2 l. ster. le quarter, ou au huitième du prix actuel ; car les effets de l’abondance ou de la disette sur le prix du blé obéissent à une proportion infiniment plus rapide que le simple rapport de l’accroissement ou de la diminution en quantité. Voilà donc les inconvénients qu’auraient à subir les pays d’exportation.

Les nôtres ne seraient certes pas légers. J’avoue qu’une diminution considérable dans nos approvisionnements ordinaires, se montant probablement au huitième de la consommation générale, serait un désordre d’une immense portée. Mais nous avons déjà obtenu du dehors un contingent semblable à une époque même où la culture n’y était ni stimulée ; ni régularisée par notre marché. Nous savons tous l’efficacité prodigieuse que des prix élevés ont sur la quotité de l’offre. Personne ne doutera, je pense, que nous ne puissions tirer un approvisionnement considérable de ces pays avec lesquels nos relations seront toutes pacifiques. Et cet approvisionnement, joint à un emploi économique de nos propres ressources et à la quantité de blé en réserve[1], suffirait à nos besoins jusqu’au moment où nous aurions consacré à notre territoire et à une production future, le capital et le travail nécessaire. Je n’hésite pas à reconnaître que ces perturbations seraient fatales ; mais d’un autre côté je suis persuadé que nous ne serons jamais réduits à de telles alternatives et, qu’en dépit de la guerre, les pays étrangers persisteront à verser sur nos marchés le blé qu’ils ont cultivé pour notre consommation. À l’époque où l’inimitié de Bonaparte était à son comble, où tout commerce était prohibé et où une mauvaise récolte avait renchéri nos prix, il permit d’exporter du blé en Angleterre et distribua des licences à cet effet. D’ailleurs de tels événements n’éclatent pas tout à coup, un danger aussi terrible s’annonce toujours par des pressentiments et on saurait lui opposer de puissantes précautions. Serait-il donc sage de créer des lois entièrement destinées à prévenir des maux qui peut-être n’éclateront jamais ? Serait-il sage de dévorer annuellement un revenu de quelques millions dans le but de conjurer des désastres hypothétiques,

  1. Comme Londres devrait être un entrepôt pour les blés étrangers, cette réserve pourrait atteindre un chiffre élevé.