Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’à peu de variations. Si la journée d’un ouvrier en bijouterie vaut plus que celle d’un ouvrier ordinaire, cette proportion reconnue et déterminée depuis longtemps conserve sa place dans l’échelle des valeurs[1].

En comparant donc la valeur d’un même objet à des époques différentes, on peut se dispenser d’avoir égard à l’habileté et à l’activité comparatives de l’ouvrier, car elles influent également aux deux époques. Des travaux de la même nature exécutés dans différents temps se comparent entre eux ; et si un dixième, un cinquième ou un quart a été ajouté ou ôté à leur prix, il en résultera un effet proportionné dans la valeur relative de l’objet. Si une pièce de drap valant actuellement deux pièces de toile, venait à valoir dans dix ans quatre pièces de toile, nous serions fondés à conclure en toute sécurité qu’il faut plus de travail pour fabriquer le drap, ou qu’il en faut moins pour faire de la toile, ou même que ces deux causes ont agi en même temps.

Les recherches sur lesquelles je voudrais porter l’attention du lecteur, ayant pour objet l’effet produit par les variations survenues dans la valeur relative des marchandises, et non dans leur valeur absolue, il est peu important de comparer les prix qu’on accorde aux différentes espèces de travail. Nous pouvons présumer que le rapport entre les différents prix reste à peu près le même d’une génération

  1. « Quoique le travail soit la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise, ce n’est pas celle d’après laquelle on l’estime ordinairement. Il est souvent difficile de déterminer la proportion qui existe entre deux différentes quantités de travail. Le temps employé à exécuter deux différentes espèces d’ouvrage n’est pas toujours suffisant pour déterminer cette proportion. Il faut encore tenir compte des différents degrés de fatigue que l’ouvrier a endurée et de la dextérité qu’il a montrée. Un travail violent d’une heure peut être beaucoup plus pénible que celui de deux heures employées à un ouvrage aisé ; et il peut y avoir beaucoup plus de travail dans une heure d’application à un métier qu’il a fallu dix ans de peines pour apprendre, que dans un mois de travail appliqué à une occupation ordinaire et aisée. Mais il n’est point aisé de trouver une mesure exacte du degré de fatigue ou de dextérité. Il est vrai qu’en échangeant les différents produits de différentes sortes de travail les uns contre les autres, on en tient compte ordinairement jusqu’à un certain point. Cependant cela ne se règle pas par une mesure exacte, et n’est que le résultat du débat entre le vendeur qui exige et l’acheteur qui marchande, et qui se décide d’après cette espèce d’égalité approximative, qui, quoiqu’inexacte, suffit cependant dans les transactions ordinaires de la vie. Richesse des Nations, liv. I, chap. 10. (Edit. Guillaumin.)