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CHAPITRE II.

DE LA RENTE DE LA TERRE[1].


Il reste à considérer si l’appropriation des terres et la création subséquente de la rente, peuvent causer quelque variation dans la

  1. Nous n’avons pas hésité à substituer, dans tout le cours de ce chapitre, le mot rente au mot fermage qui a servi à la plupart des écrivains, pour rendre l’expression anglaise rent. On a craint, avant nous, d’introduire dans la nomenclature scientifique un terme inusité et qui commanderait la méditation ; comme si la première crainte ne devait pas être de vicier une démonstration par le vague, l’ambiguïté du langage. Chaque idée nouvelle dans les sciences, dans les arts, apporte avec elle sa forme, ses expressions ; et il serait aussi insensé de chercher à construire l’économie politique actuelle avec la nomenclature de Montchrétien, de Quesnay et de l’abbé Baudeau, que de faire de la chimie avec la langue de Bacon ou de Paracelse, et de bâtir nos cathédrales avec des blocs Cyclopéens. D’ailleurs, si nous n’avons pas hésité ici, c’est qu’en réalité nous n’avions pas à hésiter, c’est qu’à tout prix il fallait rejeter l’ancien mot de fermage, contre lequel protestent et le sens et la lettre de Ricardo. En effet, qu’entend-on en économie politique par le mot fermage ? C’est la somme payée par celui qui cultive et exploite une terre, à celui qui la possède. Qu’entend-on maintenant par le mot rente ? C’est, d’après la définition même de Ricardo, cette portion du produit de la terre qu’on donne au propriétaire pour avoir le droit d’exploiter les facultés productives et impérissables du sol. Et la différence est ici manifeste, essentielle, tellement essentielle même que l’auteur a consacré toute une série d’arguments à la faire ressortir. Il fait plus : après avoir bien établi qu’on ne saurait donner le nom de rente à la portion de produit attribuée au propriétaire pour l’intérêt des capitaux consacrés à l’amélioration des terres, à la construction des granges, fermes, etc., il trace, entre ses idées et les idées générales, une ligne de démarcation profonde en disant que dans le langage vulgaire, on donne le nom de rente à tout ce que le fermier paie annuellement au propriétaire, et qu’Adam Smith a souvent sacrifié à cette erreur du plus grand nombre. Ainsi donc, la rente est une redevance attachée au sol lui-même, au droit de propriété, par une fiction nécessaire, je le sais, mais analogue à celle qui faisait jadis du travail un droit domanial ; — c’est en effet la faculté d’exploiter leur terre que vendent les propriétaires à l’instar des rois du moyen âge et du Sultan. Dès le moment où des placements de capitaux, des défrichements s’interposent et viennent modifier la valeur de la terre, la rente se combine avec l’in-