Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/104

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icelles sont encor auiourd’huy conservées des grandes cloches de fonte, & autres ornemens de grand prix.

Les Sacrificateurs de ceste secte sont appellez Osciami, ilz rasent tousjours leurs cheveux & leur barbe, contre la façon coustumiere du peuple. Ilz voyagent allans en partie en pelerinage, en partie menans une vie tres-austere ez montagnes ou ez cavernes. La plus grand’ part d’iceux toutefois, qui approchent de deux ou tros millions (à fin que je parle en Arithméticien) vivent dans les cloistres des temples, & sont entretenus des revenus & aumosnes qui leur sont esté du temps passé assigneez, encor qu’aussi ilz gaignent leur vie par leur propre industrie. Ces Sacrificateurs sont estimez, & sont en effect les plus vilains & ensemble les plus vicieux du Royaume. Car ilz sont tous procreez de la moindre lie du peuple ; car estans dez l’enfance vendus pour serviteurs aux Osciames plus anciens ; de serviteurs ilz deviennent disciples, & succedent aux offices, & benefices de leurs maistres ; qui est le moien qu’ilz ont trouve pour se multiplier & conserver. Car à peine s’en trouveroit un qui de son gré pour le desir d’une plus sainte vie se joingne à ces tres infames cœnobites. Ilz se rendent aussi par l’ignorance & mauvaise nourriture du tout semblables à leurs maistres, voire comme la nature panche aisement au mal, ilz deviennent de jour en jour pires. Ainsi ilz n’apprennent aucune honneste civilité ou lettres, si ce n’est quelques-uns, mais en fort petit nombre, qui ayans le naturel plus enclin aux lettres, apprennent quelque chose d’eux mesmes. Encore qu’ils n’ayent pas de femmes, ilz sont neantmoins si addonnes à luxure, qu’on ne les peut pas retirer qu’avec de grandes punitions de la salle conversation des femmes.

Les demeures communes des Osciames sont diviseez en plusieurs stations, selon la grandeur de chacun ; en chasque station il y a un administrateur perpetuel, auquel ses disciples qu’il a acheté pour serviteurs, autant qu’il veut ou en peut nourrir, succedent par droict hereditaire. Ilz ne recognoissent en ces lieux aucun superieur. Chacun bastit en sa propre demeure, & qui luy est assignée autant de cellules qu’il peut, & ce partout le Royaume ; mais principalement à la cour ; en apres ilz louent ces cellules à grand prix & proufit aux estrangers qui s’assemblent là pour leurs affaires. D’où provient que ces habitations communes semblent plustost des hosteleries publiques inquieteez par le grand bruit de ceux qui arrivent à chasque heure, & ausquelles on n’a aucun moindre soin que de l’adoration des idoles, ou de l’explication de ceste meschante secte.

La condition de ceux-ci encor que vile & abjecte n’empesche toutefois