Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/15

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tous les jours en conference avec les principaux de ce peuple, les souverains Magistrats & hommes lettrez, nous parlons le propre & naturel langage des Chinois, nous avons apris de propos délibéré leurs coustumes, mœurs, loix, ceremonies & finalement, ce qui est de grande importance, nous avons jour & nuict leurs livres en main. Ce qui a entièrement manqué à ceux qui ne sont jamais parvenus en ce monde presque nouveau, & qui s’apuyans sur la foy des autres ont escrit non ce qu’ilz ont veu, mais ce qu’ils ont ouy. Or nous reduirons donc briefvement en peu de chapitres de ce premier livre ce qui meriteroit d’estre estendu en plusieurs volumes, si on le traitoit selon la dignité du sujet.




Du nom, situation, & grandeur du Royaume de la Chine.


CHAPITRE II.


Cet Empire plus reculé de l’Orient a esté cognu en nostre Europe souz divers noms. Celui de la Sine est tres-ancien dez le temps de Ptolomee. En apres il est appellé Catai par Marc Paul Venetien, qui a donné quelque cognoissance de ce Royaume aux Europeens. Mais le plus cognu de tous est celui de la Chine, hanté par les Portugais, qui ayans traversé une tres grande estenduë de mer abordèrent là, & encor pour le jourd’hui negocient en ce lieu en la province de Canton, vers le midy. Les Italiens & quelques autres nations de l’Europe ont quelque peu changé ce nom, ignorans la prononciation Espagnole, qui en quelque chose est differente de la Latine, car China est prononcé de tous les Espagnols comme Cina des Italiens.

Aucun certes aussi, à mon advis, ne doit douter que ceste Province ne soit celle qu’on appelle le pays des Mange-chevaux ; car jusqu’au temps present tous les habitans de ce Royaume mangent la chair de cheval, de mesme que nous celle de bœuf. Je ne douterois pas aussi que ceste mesme region ne soit celle qu’on a appelle Serica, c’est à dire, le pays des soyes : car en aucun autre Royaume d’Orient, si n’est en la Chine, la soye ne se retrouve, & en si grande abondance, que non seulement tous les habitans riches, comme quasi tous les pauvres, s’en revestent, mais aussi il s’en porte de là en tous les Royaumes voisins. Aussi les marchands Portugais ne chargent leurs navires d’aucune autre marchandise plus volontiers que de soye Chinoise, qu’ils embalent pour envoyer par tout le Japon, & les Indes. Les Espagnols semblablement des Isles Philippines envoyent leurs navires en la nouvelle Espagne, & tout ce