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beaucoup l’Europe. Les legumes, & principalement les phaseols, desquelz mesme les chevaux & bestes à corne & semblables se paissent, endurent tous les ans en diverses provinces la deuxiesme & troisiesme moisson. D’où l’on peut non moins juger de la bonté de l’air, & fertilité de la terre, que de l’industrie du peuple. Il n’y defaut aussi aucune espece des principaux fruicts ou pommes, si vous exceptez les olives, & les amandes. Les figues que les nostres y aportent, ne se laissent surmonter par celles d’Europe. Outre ceux-cy il y a des fruits tres-bons à manger incognus aux nostres, telz qu’on en void en la province de Canto & autres du Midy, que nous appellons d’un nom emprunré des Chinois, Licyes & Longanes, qui entre peu sont tres doux, & ne croissent en nulle autre part. On void aussi là mesme ces noix Indiennes provenantes du palmier, & autres fruicts d’Inde. Il y en a aussi une autre espece, que les Portugais appellent figue Chinoise, qui est un fruict tres-savoureux & ensemble tres-beau. Les Portugais l’appellent figue seulement, pour ce qu’on en peut manger de seches, vulgairement figues de cabats  : car autrement elle n’a rien de semblable, & approche plustost de la forme d’une grande peche, mais rouge, & sans bourre & noyau. Mais les oranges & citrons, & toute espece de fruicts de bois espineux, surpassent de beaucoup en ceste espece la diversité ou douceur de tout autre terroir.

Il me semble aussi que je puis bien asseurer le mesme des herbes potageres, & de tout apprest des plantes jardinieres, car l’usage d’icelles est plus frequent entre les Chinois, qu’entre les nostres, d’autant qu’il s’en trouve beaucoup parmy le vulgaire, qui soit par pauvreté, soit par devotion, durant toute leur vie ne mangent autre chose.

Il n’y manque aussi aucune diversité de fleurs, ains plustost on en void avec plaisir & louange du Créateur, beaucoup que les nostres ne cognoissent pas. Mais les Chinois font souvent plus d’estat de la beauté que de l’odeur ; & aussi ilz n’ont jamais ouy parler de l’artifice de tirer à petit feu des sucs odorans des fleurs & des herbes, si ce n’est depuis qu’ils negocient avec les Européens.

En quatre provinces vers le Midy se retrouve ceste fueille noble parmy les Indois, qu’ilz appellent Betre, & l’arbre nommé Arequeita. Ilz mangent quasi tous les jours avec grandes delices ceste fueille doucement piquante meslée avec de la chaux vive, & asseurent que l’estomach ne reçoit pas peu d’allegement par ceste chaleur. Ilz suppleent diversement au defaut de l’huile d’olive, soit pour le manger, soit pour les lampes ; mais le meilleur de tous est celuy qu’on tire du Sesame  : car il est de bonne odeur, & abonde quasi par tout. Leurs vins sont beaucoup inferieurs aux nostres, encor qu'ilz se persuadent le contraire. Car la vigne