Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/64

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maniment des affaires. Or ilz sont si abondans en ces ceremonies de Civilité, qu’ilz consument quasi tout le temps en icelles, & ceux qui sont un peu plus sages, sont marris de ne pouvoir se depetrer de cete apparence extérieure & fardée, par laquelle ilz surpassent aussi de beaucoup ceux d’Europe.

Je diray donc premièrement comme ilz ont accoustumé de s’entresaluer, & rendre les demonstrations d’honneur ; en apres je parleray des autres cérémonies de courtoisie, principalement lors qu’ilz sont differens des nostres. Il ne sert de rien entre les Chinois pour la Civilité ou honneur de descouvrir la teste, ny ne pensent faire honneur à aucun par le mouvement du pied, encor moins par l’embrassement, baisement de main, ou autre semblable compliment. La principale ceremonie de civilité se fait ainsi entr’eux. Ilz joignent les deux mains assemblées dans les manches de la robe de dessus, qu’ilz portent treslarges (ce que les Chinois font, si ce n’est qu’ilz manient quelque ouvrage, ou avec l’esventail s’excitent du vent) & les eslevent premierement modestement ensemble avec les manches en haut, puis les abaissent l’un s’arrestant vis à vis de l’autre, & reiterant ceste syllabe Zin, zin : lequel mot ne signifie rien, si ce n’est le Compliment de civilité ; & se pourroit à nostre façon appeller interjection de civilité. Quand l’un est officieusement visité de l’autre, & aussi quand souvent par les rues les amis se rencontrent, joignans comme dessus les deux mains dans les manches, courbans tout le corps, ilz abaissent autant qu’ilz peuvent la teste en terre, lequel compliment d’honneur se rend de tous les deux, & souvent de plusieurs ensemble. Ilz appellent cete cérémonie Zo ye. En se rendant ce devoir, l’inferieur en dignité met tousjours le superieur à droicte, ou le visité celui qui le visite (mais aux provinces Septentrionales le costé gauche est au lieu du droict) souvent aussi ce compliment estant achevé, ilz se levent debout changeans de place, & passent du costé gauche à droicte, & réciproquement du droict au gauche. Ce qui se fait à fin que celui qui a esté receu au lieu plus honorable rende l’honneur à l’autre. Quand ce devoir de courtoisie est rendu par les rues, tous deux se tournent coste à coste l’un de l’autre vers le Septentrion  : mais en la maison vers le haut de la sale à l’opposite de la porte, & alors aussi ilz regardent vers le ciel en mesme endroict. Car c’est une ancienne coustume entr’eux, que les Palais, temples des Idoles, & autres édifices bien ordonnez, ou au moins les sales des maisons particulieres deputées pour recevoir les hostes, ayent la porte vers le Midy ; & que ceux qui sont assis à l’opposite de la porte, se tournent vers le Midy ; d’où provient, que parce que ces ceremonies sont faites à