Page:Ricci - Trigault -Histoire de l'expédition chrestienne au royaume de la Chine, Rache, 1617.djvu/9

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cognu, comme de chose du tout approuvee. C’est pourquoy les nostres ayans enfin quelque jour eu permission d’entrer au milieu de ce Roiaume, on a remarqué qu’on avoit publie beaucoup de choses non veritables, voire mesme que quelques autres non assez, recognues ou verifiées estoient passées en Europe avec nos lettres, dez le temps mesme que l’entrée de ces Provinces fut libre, principalement durant les premières années. Et aussi bien ne peut pas comprendre tous les affaires d’Europe aussi tost qu’on y est abordé mais encor il faut que pour preuve entière de la vérité, en emploie le cours de plusieurs années, la veue des Provinces, l’intelligence de la langue du pays & la lecture des livres. Or tout cela nous estant jusqu’à present cognu, il s’ensuit sans doute que ce dernier escrit doit avoir plus d’authorité que tous les autres qu’on a par ci devant mis en lumiere ; & que rien ne luy manque pour confirmation de la verité, que ce que la foiblesse humaine, digne d’excuse, a peu admettre de fautes : ce que si nous pouvons un jour remarquer, nous mettrons peine de les corriger & d’autoriser les dernieres observations au dessus des premières. Cependant (amy Lecteur) jouissez de ceci, tandis que nous vous préparons des escrits plus amples & plus particuliers. Car si le bon Dieu, apres les destours de tant de chemins, me fait la grace de retourner en mon ancienne demeure, & me donne vie, je promets que je reduirai en un Commentaire un juste volume des mœurs & coustumes du Roiaume de la Chine, auquel aussi on verra les Annales des Chinois quasi depuis quattre mille ans contiuez par degré de sciecle en sciecle sans interruption ; & aussi que je vous envoiray toutes les sentences plus remarquables triées des livres de la philosophie Morale des Chinois eu langue Latine, afin qu’on voie combien les esprits de ces peuples sont capables de recevoir la foy Chrestienne, veu qu’ilz ont si pertinemment disputé des bonnes moeurs. Cependant contentez vous de cest essai comme d’un avant-mets, & excusez ma briefveté à cause des pieuses occupations & affaires de la Religion Chrestienne, & le petit nombre des nostres. Et je desir aussi que vous preniez en bonne part le peu d’elegance de ce discours, parce qu’ayant esté occupé à apprendre des langages estrangers, & desaccoustumé d’escrire, je suis quasi devenu sauvage, & n’ay peu assez plaire au jugement tres subtil de vos oreilles. A Dieu. A Rome le 14. de Janvier l’an mil six cens quinze.


Nicolas Trigault.