l’esprit de M. de Clémengis, qu’elle fixa ses résolutions. Il ne changea point de conduite avec Ernestine ; elle n’aperçut en lui qu’un ami sincère, assidu, complaisant ; empressé à lui préparer des amusemens, et content d’être admis à les partager.
Les moments qu’ils passoient ensemble, s’échappoient avec rapidité : amans secrets, amis avoués, le désir de se plaire, de tendres soins, de délicates attentions, entretenoient le charme inexprimable de ce commerce intime et délicieux. Ernestine en goûtoit les douceurs sans crainte et sans inquiétude ; mais un bonheur si grand devoit être cruellement troublé, et le temps approchoit où la perte de l’heureuse ignorance qui le lui procuroit, alloit le détruire.
Madame Duménil, peu capable de distinguer les caractères, ne connoissoit ni les sentimens, ni les véritables intentions de M. de Clémengis : en s’engageant à seconder ses desseins, elle espéroit jouir des plaisirs qu’un amant prodigue rassembleroit autour de sa maîtresse. Une maison ouverte, un cercle nombreux, d’amusans soupers, des fêtes continuelles, offroient à son idée la plus brillante perspective : trompée dans son attente, elle prit de l’humeur, se plaignit au Marquis de l’ennuyeuse retraite où elle vivoit ; l’avertit qu’elle ne pouvoit la supporter plus long-temps et menaça de quitter Ernestine, si elle passoit l’hiver à la campagne.
Le dessein de M. de Clémengis n’étoit pas de l’y laisser ; il avoit fait meubler une maison à Paris, pour elle : mais ne voulant point répandre sa jeune amie dans le monde, il se repentoit de s’être confié à une