dans le cœur d’une femme honnête et sensible, elle sentit bientôt pour Ernestine les sentimens d’une tendre mère, reçut avec joie la proposition de s’attacher à son sort, de vivre toujours avec elle, et de l’accompagner dans sa terre, où elles se rendirent un mois après le départ de M. de Clémengis.
Ernestine revit avec transport ces lieux chers à son cœur ; elle ne cachoit point à madame de Ranci la cause du plaisir qu’elle sentoit de les habiter, elle lui montroit les lettres du Marquis, ses réponses, l’entretenoit de ses sentimens pour cet homme aimable, lui parloit de ses obligations, de sa reconnoissance, de sa tendresse, de la douceur qu’elle éprouvoit en pensant à lui ; et quand son amie lui demandoit où devoit la conduire un amour si vif, quand elle l’interrogeoit sur ses espérances, des soupirs, des larmes, interrompoient les effusions de son cœur, elle avouoit qu’elle n’en avoit point : sans rejeter les conseils prudens de madame de Ranci, sans se révolter contre ses réflexions, elle l’écoutoit, convenoit de la justesse de ses observations, et lui laissoit voir qu’elles ne la persuadoient point ; rien ne pouvoit l’engager à oublier le Marquis, à renoncer au plaisir de l’aimer, à la certitude de lui plaire.
Vers la fin de l’été, mademoiselle Duménil, prête à retourner en Bretagne, voulut, avant de partir, passer quelques jours chez Ernestine ; en la quittant, elle lui recommanda de ne pas attendre M. de Clémengis dans cette belle solitude, et ne l’y laissa qu’après avoir obtenu d’elle une promesse de rentrer bientôt au couvent.