Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/500

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permis de vous traiter encore avec une familiarité dont mon ignorance étoit l’excuse ? Pendant long-temps j’osai vous regarder comme un frère chéri : l’extrême différence de nos fortunes ne me frappoit point ; dans ces temps heureux, rien n’arrêtoit les témoignages de mon innocente affection. Je ne suis point changée ; ah ! pourquoi vous obstinez-vous à penser que je le suis ? ce n’est pas vous, Monsieur, c’est moi-même que je crains. Je suis jeune, je vous dois tout ; je vous aime ; oui, Monsieur, je vous aime, je le dis, je le répète avec plaisir ; je ne rougis pas de vous aimer. Le premier instant où vous parûtes à mes yeux fit naître cette tendresse que le temps a rendue si vive. Sentiment cher à mon cœur, le seul qui m’attache à la vie. Tant de bienfaits, si généreusement répandus sur moi, m’assuroient un sort paisible ; mais l’amour que vous m’inspiriez faisoit mon bonheur, mon souverain bonheur ! Penser sans cesse à vous, m’occuper du soin de conserver votre amitié, de mériter l’estime de mon respectable ami ; vous voir quelquefois, lire dans vos yeux que ma présence excitoit votre joie, c’étoit pour moi le bien suprême ! Une félicité si grande est-elle à jamais détruite ? Ne me la rendrez-vous point ? Non, il n’est plus en votre pouvoir de me la rendre !

» Vous ne m’importunerez pas long-temps ? quelle cruelle expression ! je ne puis supporter la certitude de faire votre malheur ; elle pénètre mon âme, elle déchire mon cœur. En me retirant, en abandonnant les lieux où je vous voyois sans contrainte,