Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/189

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Quoique la responsabilité de ce crime ne retombât que sur deux individus sans importance, il n’en est pas moins vrai que la paix, qui allait être définitivement signée, fut rompue pour longtemps de ce chef, et que des actes sanguinaires en furent la conséquence, actes qui exaspérèrent les autorités et contribuèrent largement à produire les événements malheureux qui ont suivi. Il semblerait qu’il eût été du devoir du gouverneur, après la découverte de l’atrocité commise par Conner et Grâce, de faire des démarches auprès des sauvages pour répudier ces faits et donner à ceux-ci quelque satisfaction[1]. Mais rien de tel n’apparaît. Ces militaires arrogants avaient pour les barbares trop de mépris pour se servir de tels procédés à leur égard. L’on ne voit même pas que les coupables aient été punis. Un fait que nous ne pouvons nous expliquer d’une manière satisfaisante, c’est l’étrange conduite du gouvernement, qui, après avoir signé avec les sauvages, l’automne précédent, les articles préliminaires d’un traité de paix, semble avoir laissé subsister contre eux la prime sur les chevelures.

Dans sa lettre du 23 juillet 1753, le gouverneur Hopson, transmettant aux Lords du Commerce la déposition sous serment de Casteel, leur disait : « Dans ma lettre du 29 mai dernier, j’ai communiqué à vos Seigneuries mes inquiétudes

  1. Est-ce qu’en justice, le premier devoir du gouverneur n’eût pas été d’abord de faire un procès à ces hommes, et, leur culpabilité établie, de leur infliger le châtiment légal prévu pour de telles offenses ? Quelle meilleure manière y avait-il de répudier leur crime que de leur faire subir la peine imposée par le droit commun ? Ne pas s’en préoccuper autrement était au contraire, pour les autorités anglaises, en partager la responsabilité. Et nous croyons que toute excuse de leur part et toute protestation de non-complicité dans l’affaire eussent paru vaines aux sauvages, en l’absence d’un châtiment infligé aux coupables. Il est vrai que les barbares s’étaient fait justice à leur façon en se vengeant sur les malheureux compagnons de Casteel.