Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/256

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cas, indignes de figurer comme argument dans un drame comme celui de la déportation.

« Depuis longtemps, ils n’ont rien apporté à nos marchés, » écrivait perfidement Lawrence. Nous disons « perfidement », car c’était à la date du 1er  août qu’il écrivait ceci aux Lords du Commerce. Or, à cette saison, les produits de la récolte précédente devaient en effet, et depuis longtemps, être écoulés ou consommés, et ceux de la récolte courante étaient encore sur pied. Cette accusation n’avait probablement pas d’autre fondement que celui-là ; mais pour l’homme en quête d’arguments en vue d’atteindre son but à tout prix, elle pouvait figurer avec avantage. Les Lords du Commerce seraient bien habiles s’ils saisissaient tous ses points d’invraisemblance, car elle en avait plusieurs. On ne doit pas supposer, en effet, que les Acadiens allaient, un à un, vendre leurs produits à Halifax, dont ils étaient séparés par de longues distances, et auquel les reliait un chemin à peine passable pour les piétons. Les échanges devaient nécessairement se faire par l’intermédiaire des commerçants, et par eau. Or, à cette époque, tous ceux qui avaient des établissements de commerce dans les centres acadiens étaient des anglais : Blin, Winnieth, jr., à Annapolis ; Rogers, à Cobequid ; Arbuckle, à Fort Lawrence ; Wyson et Manger à Pigiguit et à Grand-Pré. Manger avait un autre établissement à Halifax, et nous croyons que Blin, Donnell et Winniett en avaient également soit à Grand-Pré, soit à Fort Lawrence[1]. Ce devait donc être à eux que les Acadiens vendaient leurs produits, et par eux que ce commerce se faisait. Et, comme, avec

  1. « Alain, Nicolas Gauthier, Joseph LeBis avaient fermé leurs établissements pendant la guerre ; et nous ne croyons pas qu’à cette époque il restât un seul marchand acadien dans toute la péninsule. » — Note du MS. original — fol. 445.