Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/259

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fins ; à force de renouveler la dose de ses accusations et de ses insinuations, la transition se fera insensiblement entre sa manière de voir et la leur. D’ailleurs, n’a-t-il pas en mains tout pouvoir ? Ne lui sera-t-il pas possible, par des mesures de rigueur, de provoquer les Acadiens à des actes qui le justifieront, lui, d’user envers eux d’un redoublement de sévérité ?

La pensée, ou plutôt le fond de la pensée de Lawrence, lorsqu’il disait qu’il vaudrait mieux que les Acadiens fussent partis, ne pouvait certainement être de les laisser aller rejoindre les Français de Beauséjour, puisque, dans le même temps, il lançait une proclamation obligeant ceux qui venaient de s’éloigner à revenir aussitôt sous des peines sévères. Il connaissait les recommandations pressantes et réitérées faites à ses prédécesseurs par les Seigneurs du Commerce, et se souvenait de celles qu’il avait reçues des mêmes personnages, quelques mois auparavant, priant d’éviter tout ce qui pourrait, en alarmant les Acadiens, provoquer leur départ. Les conséquences d’un départ libre devaient lui paraître trop désastreuses, ou du moins trop menaçantes, pour qu’il y ait songé un instant. Non, il s’agissait bien d’un départ forcé, pour des endroits par lui choisis, c’est-à-dire d’une déportation telle qu’il l’exécuta douze mois plus tard.

Pour la période qui embrasse au moins les quatre dernières années, le seul acte d’insoumission réelle, de la part des Acadiens, que l’on relève dans le volume des Archives, se trouve mentionné en cette lettre de Lawrence. Trois cents d’entre eux, ainsi qu’il le dit, étaient allés à Beauséjour pour aider leurs compatriotes émigrés dans leurs travaux d’endiguement. Étaient-ils partis avec l’intention de ne plus revenir ! Il serait difficile de l’affirmer. Nous savons seule-