Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils pouvaient attendre d’une nation perfide, capable d’expulser ainsi un saint prêtre ; que le même sort était réservé aux autres missionnaires ; et que, s’ils retournaient de l’autre côté de la frontière, ils périraient misérablement, privés des sacrements et des secours de leur religion ». — Le Loutre pria les habitants, disait encore en substance Pichon, de se réunir chez le commandant après la messe, pour recevoir communication d’une lettre du gouverneur du Canada. Les réfugiés ne vinrent cependant pas. M. de Vergor envoya par deux fois un sergent pour les notifier. Une poignée seulement se rendirent. Et comme ils ne semblaient pas se hâter d’entrer, le commandant, impatienté, leur ordonna de le faire sans tarder, sinon qu’ils seraient mis aux fers. Cette lettre du gouverneur du Canada, — que Pichon disait être fausse, — leur fut lue[1]. Elle leur promettait assistance de diverses manières. « Vous devez savoir, continuait Pichon, que le 21 du mois dernier, quatre-vingt trois des réfugiés acadiens envoyèrent deux des leurs porter une requête au gouverneur du Canada, dans laquelle ils le priaient de leur permettre de retourner sur leurs anciennes terres, vu que nous ne pouvions leur en donner de propres à la culture, celles qu’on leur offrait étant disputées par le gouvernement anglais ; la requête ajoutait qu’ils ne se croyaient pas relevés de leur serment de fidélité au Roi de la Grande Bre-

  1. Le texte de Pichon ne dit pas que cette lettre était fausse, mais qu’elle avait été préparée sur — les instances de Le Loutre : « The letter, as you may well imagine, had been prepared at the instance of Moses himself. »

    Pichon appelle toujours Le Loutre Moïse, par une moquerie où il n’y a guère de finesse, ou qui serait plutôt à la gloire de ce missionnaire. De même que Moïse a tiré les Hébreux de la servitude d’Égypte, ainsi Le Loutre s’efforçait d’arracher ses compatriotes à la persécution britannique et au danger de l’apostasie.