Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/319

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sants des trésors des Rajahs, par les fortunes princières que rapportaient de Calcutta, de Bombay et de Madras, les serviteurs[1] de la Compagnie des Indes. L’Amérique n’offrait aucun de ces avantages. Ici, il n’y avait ni trésors amassés, ni Nababs à dépouiller, ni Bengalis à pressurer ; mais l’esprit fertile de Lawrence avait vu la possibilité d’une opération qui pouvait le conduire à de pareils résultats. N’avait-il pas sous la main et en son pouvoir, isolée dans ce coin du continent, une petite population paisible et soumise ? Pris séparément, ces paysans n’avaient rien qui pût tenter un homme qui rêvait de grandeurs et de richesses ; mais, collectivement, ils lui offraient l’occasion d’un joli gain à réaliser. Tant que les Français occuperaient le nord de la Baie de Fundy, la mise à exécution de ses projets serait impossible. La prise de Beauséjour, l’éloignement des Français, pourraient seuls lui permettre de les parfaire sans trop de dangers. C’était donc là l’occasion qu’il avait de longue main préparée. L’obstacle avait maintenant disparu ; mais il fallait se donner des prétextes pour agir. Le moyen fut l’oppression. Il espérait qu’en rendant aux Acadiens le sort intolérable, il les pousserait, par désespoir, à des actes d’insubordination ou de résistance qui le justifieraient, et le mettraient à l’abri de la disgrâce, sinon de la censure des autorités. Nous allons voir que tous ses efforts, pour les faire se révolter, n’aboutirent à rien ; mais telle était sa détermination qu’il les déporta quand même.

Après mûre considération, nous avons acquis la ferme conviction que, plus Lawrence persécuta les Acadiens, plus ceux-ci se montrèrent soumis, et plus ils évitèrent de lui

  1. Ce mot, dans l’édit. anglaise (II, 4) est remplacé par officers.