Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/323

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contentements et des troubles. Telle était la seule lin immédiate qu’il se proposait en faisant enlever leurs armes et en édictant l’ordre que nous venons de mentionner. Pour gagner du temps, il n’attendit même pas la capitulation de Beauséjour. Dès qu’il se fût rendu compte que la faible garnison de ce fort ne serait pas secourue par les troupes de Louisbourg ni par la masse des Acadiens émigrés, il réalisa son plan. Nous disons que sa fin immédiate fut de susciter par là des troubles : il pouvait avoir aussi un autre but, celui de désarmer tous les Acadiens par peur d’une insurrection véritable au moment suprême de la déportation. Mais nous prétendons que son intention première était de susciter par là du mécontentement et des troubles : autrement, son action eût été, non seulement maladroite, mais extrêmement dangereuse, si l’on suppose qu’il avait affaire à une population remuante et mal disposée. En effet, ce coup hautement provocateur ne pouvait aboutir qu’à un désarmement partiel ; et les quatre cents mousquets dont on s’empara ne formaient probablement pas le cinquième des armes que possédaient les Acadiens. Par conséquent, si ceux-ci avaient été insoumis et mûrs pour la révolte, — et c’était ce que donnait à entendre l’enlèvement que Lawrence exécuta, — cette rafle était un moyen infaillible de la faire éclater et de la rendre plus terrible ; c’était, de plus, un moyen sûr de faire mépriser les ordres donnés pour la livraison de ce qui restait, c’est-à-dire environ les quatre cinquièmes. Or, Lawrence était beaucoup trop rusé pour qu’on lui prête un projet aussi périlleux. Par voie d’induction, et pour ne pas tomber dans l’absurde, nous sommes logiquement amené à conclure que Lawrence reposait une telle confiance dans le caractère inoffensif des Acadiens qu’il croyait pouvoir ainsi s’emparer sans