Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/326

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ger[1]. Il y aura toujours des hommes pervers qui en prendront avantage pour exploiter à leur profit de telles dispositions. Il vient un temps où les maux qu’amène la soumission sont plus grands que ceux qu’entraîne la résistance. Or, ce temps était arrivé pour les Acadiens, depuis la nomination de Lawrence au poste de gouverneur de la Province. Ils ne le comprirent pas. Et comment l’auraient-ils compris, à moins d’avoir connu les secrètes pensées de ce personnage ? Pouvaient-ils sonder toute la profondeur de méchanceté qu’il y avait dans cette brute ? Ils virent bien qu’il paraissait chercher des prétextes pour les accabler davantage, les exaspérer, et ainsi obtenir peut-être du gouvernement de la Métropole l’autorisation de leur ordonner de quitter le pays. Ils crurent ingénument que, de lui-même, Lawrence ne pouvait, ou n’oserait en venir à cette extrémité. Que si elle se présentait, eh ! bien, ils partiraient, voilà tout. Tel

  1. St. Thomas (I. Île Quaest. LXIV, art. I.) se demande : Utrûm virtutes morales sint in medio ? Si les vertus morales consistent dans le milieu ? Et voici sa lumineuse réponse : « La vertu a, dans sa raison, d’ordonner l’homme au bien. D’autre part, la vertu morale consiste proprement à perfectionner la partie affective de l’âme touchant une certaine manière déterminée. Et la partie affective de l’âme a pour propriété d’être mesurée et réglée, en ce qui est de ses mouvements, par la raison elle même. Or, il est manifeste que le bien de tout ce qui a une règle et une mesure est de se conformer à sa règle ; c’est ainsi que le bien dans les choses de l’art, consiste à suivre exactement les règles de l’art. Et, par suite, le mal, en ces sortes de choses, consistera dans le fait de ne pas s’accorder avec sa règle ou sa mesure ; ce qui peut ai-river ou parce qu’on dépassera la mesure ou parce qu’on ne l’atteindra pas ; comme on le voit en tout ce qui est soumis à une mesure ou à une règle. Il suit de là manifestement que le bien de la vertu morale consiste dans l’adéquation à la mesure de la raison. Et parce que, non moins manifestement, l’égalité ou la conformité est ce qui se trouve au milieu entre ce qui dépasse et ce qui n’atteint pas, il s’ensuit, de toute évidence, que la vertu morale consiste dans le milieu. »

    Cf. Comm. français littéral de la Somme Théol. de S. Thomas d’Aquin, par le R. P. Th. Pègues, 0. F. (Tome VIII. Page 211-12.)