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d’y envoyer des vivres, que j’étoit réduit depuis trois mois à manger du bled d’Inde et de la graisse.

Le vingt-quatre je fit repartir le Sieur de Niverville pour Petkekodiaque avec un petit détachement pour m’assurer de la nouvelle qu’un Accadien venu après nous m’avoit rapporté que les milices angloises s’estoient révoltées sur ce que le commandant les avoit voulu envoyer avec leurs troupes légers brusler les habitations.

J’ordonnay à cet officier d’interrompre autant qu’il seroit en son pouvoir, les transports de Beauséjour à la Baye Verte, d’aller au dernier poste y brûler un magazin où je sçavois que les Anglois avoient mis tout nouvellement des vivres, ce que j’en avois put faire exortant les trente familles à [sic].

Le vingt-cinq de Septembre je party pour Memeramcouq havre qui est au bas de la rivière Saint-Jean, pensant bien qu’après ce que je venoit de faire les Anglois ne manqueroient pas d’y venir voir s’ils nous surprendroient de nouvelles troupes et tâcher peut-être d’y faire un débarquement.


Duplicata de la lettre de M. de Vaudreuil au ministre.


Montréal, 18 octobre 1755.


Monseigneur, — Par mes lettres du 20 et 24 Juillet, j’ay eu l’honneur de vous informer que les Anglois s’étoient rendus maîtres du fort de Beauséjour, et que Monsieur de Boishébert, commandant à la rivière St-Jean avoit bruslé son fort ne pouvant s’opposer à la descente de l’ennemy ; et que je lui avois donné l’ordre, de se concerter avec le R. P. Germain missionnaire pour hiverner à la rivière St-Jean, ou revenir à Québec, suivant les bonnes ou mauvaises dispositions des Accadiens et des sauvages.

Monsieur de Boishébert et le Révérend Père Germain m’ont rendu des bons témoignages de la conduitte et du zèle des Accadiens et sauvages Monsieur de Boishébert m’a aussy rendu compte de ses mouvements pour s’opposer aux vues des Anglois.

Les Anglois ne se sont point bornés à la prise de Beauséjour, ils ont voulu assujettir tous les Accadiens à prêter serment de fidélité au Roy de la Grande Bretagne et à prendre les armes contre nous : mais ne pouvant réussir ils les obligèrent à remettre leurs armes à feu après quoy ils les rassemblèrent au fort de Beauséjour (qu’ils ont nommé le fort Cumberland) sous prétexe de leur faire part de l’arrangement du gouverneur d’Halifax pour la conservation de leurs terres et ils les retiennent prisonniers au nombre de 400 : chefs de famille. Ils envoyèrent deux de ces Accadiens de la part du commandant pour dire à leurs femmes de se tenir prêtes à s’embarquer, et que sur leur refus, ils feroient brûler leurs habitations.

Bien loin par les familles accadiennes d’obéir à cet ordre, elles fuyrent dans les bois, leurs refus porta les Anglois à brûler entièrement le village de la rivière Chipoudy sans en excepter l’église.