Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/81

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forts, nous allons parler en maîtres, et nous entendons adopter une ligne de conduite toute différente à votre endroit. » Les Acadiens ne durent-ils pas craindre que leurs privilèges ne leur fussent enlevés l’un après l’autre ? Que le libre exercice de leur religion ne fut entravé et peut-être aboli ? Puisqu’on ne respectait pas les conventions solennelles arrêtées vingt ans auparavant dans l’affaire du serment, pourquoi respecterait-on davantage leurs autres droits ?

Oui, l’occasion était belle de conquérir à jamais leur affection et leur fidélité. La conduite des officiers français envers eux, pendant les invasions de la dernière guerre, avait probablement[1] affaibli la sympathie qu’ils éprouvaient naturellement pour la France. Il eut suffi de leur montrer des égards, de leur faire comprendre que la fondation d’Halifax ne changerait en rien l’attitude des dix dernières années, pour se les attacher plus étroitement, et les amener un peu plus tard, sans pression et sans supercheries, à prêter ce serment auquel l’on paraissait tenir si fort.

Il semblerait, à première vue, que la fondation d’Halifax eut dû ne plus donner d’importance au fait de retenir les

    niques de ce côté. Aussi, était-ce une chose qu’il fallait empêcher à tout prix, d’abord par ruse, en attendant que l’on fût assez nombreux et assez fort pour ne plus dépendre de ces « pauvres gens » et pour leur dicter brutalement des ordres sans pitié. Du premier moment au dernier, la « question d’humanité » n’est jamais entrée en ligne de compte dans les calculs des autorités anglaises, à tous les degrés de la hiérarchie. Elles ne pouvaient, sans risquer de tout perdre, se passer des Acadiens, les premières années. Il a donc fallu les garder. Mais après ? Après ? Hélas ! l’on ne sait que trop ce qui en fût.

  1. Richard avait d’abord écrit grandement, et c’est cet adverbe qui a passé dans la traduction anglaise : « The way the French officers had treated them during the invasions of the late war had considerably weakened their natural sympathy for France. » (vol. I, p. 253, au bas). Dans le MS. tel que nous l’avons, le mot grandement est biffé et remplacé par probablement. Ce dernier adverbe est beaucoup plus juste. (Fol. 311 du MS.)