Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/99

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mis au nom de la religion ! Que de cruautés infligées au nom d’un Dieu bon et miséricordieux ! Était-ce là un produit né du christianisme, ou le fruit des passions et des intérêts humains ? Était-ce un résultat permanent, ou une manifestation transitoire, un souffle mauvais qui allait s’épuiser par sa violence même, et servir, par des moyens détournés, et à l’insu de ceux qui l’avaient déchaîné, la cause du christianisme et de la civilisation ? Telle était la question que beaucoup d’esprits durent alors se poser. Et, de la manière dont ils allaient la résoudre allaient surgir deux courants en sens inverse : l’un, d’incrédulité, fruit d’un christianisme faux et cruel ; l’autre, de retour au pur esprit chrétien, tout imprégné de charité d’amour et de miséricorde. « L’homme s’agite et Dieu le mène[1]. » Dans la vie de la religion,


    supplices qu’ils ont infligés, « au nom de leur Dieu, Gott mitt uns », à des prêtres et à des religieuses, leur profanation des églises ? Le milieu du 18e siècle où nous sommes arrivés, valait bien notre temps. Et s’il est incontestable que des crimes aient été commis au nom de la religion, que n’a-t-on pas fait au nom de la liberté, en pleine effervescence de cette Révolution, qui, soi-disant, allait émanciper les peuples ? « Ah ! liberté, comme on t’a jouée et que de crimes on commet en ton nom ! » disait Madame Roland, sur l’échafaud. Mais les crimes de tous les temps, y compris le nôtre, ne prouvent rien ni contre la vraie religion ni contre la vraie liberté. Notre pauvre humanité ne se réformera guère. Et de pareils malheurs seront toujours possibles, hélas ! Si Louis XIV a eu tort, à tous les points de vue, même politiquement et économiquement, de révoquer l’édit de Nantes, la France contemporaine a-t-elle été plus excusable d’expulser de son sein les religieux et les religieuses et de persécuter les catholiques ? C’est la même chose renversée, plus inexplicable encore dans le dernier cas que dans le premier. Quant à « l’oppression des minorités », l’Angleterre moderne et « tolérante » n’en a-t-elle pas donné un nouvel exemple dans la guerre des Boers, entreprise et menée à terme uniquement pour satisfaire la rapacité de ses Impérialistes affamés d’or, éblouis par l’appât des diamants ?

  1. Cette parole célèbre est de Fénelon : « Dieu n’accorde aux passions humaines, lors même qu’elles semblent décider de tout, que ce qu’il leur faut pour être les instruments de ses desseins. Ainsi l’homme s’agite et Dieu le mène. (Serm. pour l’Épiphanie). »