Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien persuadé qu’il ne pouvait errer gravement en apportant ces correctifs à l’œuvre de son devancier. Nous voulons bien croire que la peinture faite par Raynal appelait en effet des ombres ; mais nous pouvons affirmer sans crainte qu’en procédant à cette opération Parkman ne s’est laissé guider par rien de sérieux ; il a promené à travers la toile du maître un pinceau chargé de noir, pour la défigurer ; et c’est ainsi que les travers de son esprit et de son cœur l’ont amené à faire un tableau plus imaginaire encore que n’était celui de Ra^mal. Remarquons que ce qui n’eût pas été possible, dans les circonstances ordinaires, l’était devenu grâce à la situation particulière où les Acadiens se trouvaient placés. Le noyau primitif de la population n’était pas composé d’éléments divers, ainsi que cela s’était vu ailleurs : les premiers colons étaient fils de cultivateurs et cultivateurs eux-mêmes. Les trois-quarts de ce petit peuple remontaient aux quarante-sept chefs de famille qui s’étaient fixés dans le pays un siècle avant la dispersion ; ils étaient tous parents ou alliés ; les riches terres qu’ils possédaient leur donnaient en abondance tout ce qui pouvait satisfaire la simplicité de leurs désirs. Livrés à eux-mêmes, se suffisant eux-mêmes, ils se dispensaient sans inconvénients, sinon avec grand avantage, de tribunaux, de gardiens de la paix, d’huissiers ; ils mettaient leurs intérêts on. commun, réglaient leurs différends à l’amiable. Tout le volume des Archives ne contient pas un seul cas de meurtre, de vol, de voies de faits, d’attentat à la pudeur, porté devant les tribunaux ou seulement mentionné. Ce résultat étonnant doit être en grande partie attribué, nous le voulons bien, aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles ils se trouvaient. Qu’on l’explique d’ailleurs comme on voudra, le fait