Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/223

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Pourquoi cette insistance à leur faire prêter un serment quelconque s’ils étaient infidèles à celui qu’ils avaient prêté ! Ce n’est pas ainsi, croyons-nous, que l’on eût procédé envers des rebelles. Parkman dit : les Acadiens refusèrent de prêter le serment « en pleine conscience des conséquences » que ce refus pouvait avoir. Il leur fût dit que, s’ils refusaient de le prêter, il leur faudrait quitter le pays. Or, ils avaient accepté cette alternative, ils étaient prêts à s’en aller. Mais entre quitter un pays pour aller où bon nous semble, et être déporté dans les conditions que nous connaissons, il y a un abîme, et Parkman ne l’ignorait pas.

La raison alléguée par Lawrence qu’il n’envoyait pas les Acadiens au Canada, « parce qu’il n’y avait point de terres défrichées pour les recevoir », serait amusante, si le sujet n’était si profondément triste, et la fourberie si grossière[1]. Qu’avait-il préparé pour eux à Boston, dans le Connecticut, à New-York, à Philadelphie, en Géorgie, dans la Caroline, quand sa lettre circulaire aux gouverneurs était la première information que recevaient les colonies de la déportation des Acadiens ? Quand, en plusieurs de ces endroits, on laissa pendant des semaines les pauvres exilés à bord des bateaux qui les avaient amenés, où ils gisaient dans un entassement infect, où la maladie les décimait ? « Notre but, dit-il, en les dispersant ainsi, est de les empêcher de se réunir. »

  1. Lawrence dit exactement : « Le Canada n’ayant pas de terres défrichées pour un si grand nombre d’habitants, ceux qui sont en état de prendre les armes seront immédiatement employés à inquiéter cette colonie et les colonies avoisinantes. » Voilà la crainte et voilà pourquoi il déportera les Acadiens. L’auteur d’Acadie, en isolant le premier membre de phrase, nous laisse sous l’impression que Lawrence a voulu dire que c’eût été mal d’expédier ces gens là où il n’y avait suffisamment de terres défrichées à mettre à leur disposition.