Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/285

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le corps a depuis longtemps cessé de souffrir, l’homme, si capable de souffrance à raison de son âme immortelle, cherche-t-on à l’épargner, à lui adoucir la vie ? La dureté que l’on manifeste envers lui est cause de ce malaise qui porte le peuple à s’attaquer au fondement même de notre état social, comme ayant un vice radical.

Poursuivons notre triste récit. Nous voudrions être généreux, et supposer, pour l’honneur de l’humanité, que les autorités obéissaient à des ordres que la prudence commandait de respecter, ou encore que les actes barbares que nous venons de relater étaient la conséquence inévitable du premier acte de ce drame de la déportation. Mais il nous est impossible d’admettre cela ni de justifier ces derniers faits. Lawrence, qui avait agi sans ordres supérieurs, n’avait pas lui-même le droit de commander aux gouverneurs des mesures aussi odieuses. D’ailleurs, rien, dans l’histoire ou les récits du temps, ne fait voir un seul acte d’insubordination, ou de résistance par voies de fait, de la part des exilés.

En juillet de cette même année 1756, sept petites embarcations, portant quatre-vingt-dix exilés, longeaient la côte méridionale du Massachusetts. Ces exilés furent arrêtés comme ils entraient dans un havre, leurs bateaux saisis, et bientôt le lieutenant-gouverneur de Boston ordonnait que ces proscrits fussent dispersés par les autorités locales qui leur arrachèrent les passeports dont ils étaient munis[1].

L’année suivante, une partie de ceux qui avaient été confinés dans le comté de Westchester parvinrent à s’échapper et essayèrent de gagner la frontière du Canada ; mais ils

  1. La lettre de Spencer Phips à Lawrence, à ce sujet, est en date de Boston 23 juillet 1756, et forme le document 162 des Archives French Neutrals.